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CHAPITRE III


L’ÉPOPÉE ANTIQUE[1]


Les principales œuvres de la littérature païenne latine n’avaient jamais cessé d’être lues et étudiées dans les écoles : on y cherchait, non la beauté de la forme, dont le sentiment a toujours fait défaut au moyen âge, mais un enseignement moral et une source presque inépuisable de connaissances, l’admiration traditionnelle pour Rome et pour la civilisation émanée d’elle s’étendant, d’une façon souvent peu éclairée, sur toutes les productions de son génie que le temps avait épargnées. En présence du succès obtenu par les récits merveilleux de l’épopée nationale, les clercs furent tentés de mettre à la portée de tous certaines œuvres latines (ou grecques ayant pris la forme latine) qui leur paraissaient contenir des aventures aussi intéressantes que celles que les jongleurs avaient jusque-là promenées de château en château, et dès le commencement du XIIe siècle, ils commencèrent à les faire passer dans la langue vulgaire, choisissant de préférence celles qu’ils étaient le plus capables de goûter, c’est-à-dire les œuvres de la décadence gréco-romaine, « dont l’inspiration à la fois simple et bizarre, la prétention à une stricte vérité historique et le contenu romanesque étaient déjà en bien des points plus conformes à l’esprit du moyen âge qu’à celui de la vraie antiquité[2] ».

Le nombre de ces œuvres, souvent profondément altérées et

  1. Par M. Léopold Constant, professeur à la faculté des lettres d’Aix.
  2. G. Paris, La Littérature française au moyen âge, 2e édition, p. 74.