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Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 1, 1896.djvu/315

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ROMANS ÉPIQUES

au couvent son fiancé, énumérant à l’abbesse, qui lui conseille de prendre le voile, les occupations qui conviennent à une jeune fille noble élevée dans un couvent, déclare qu’elle désire « oïr de Thèbes ou de Troie ». Le souvenir de Thèbes se trouve également réuni à celui de Troie, au xiiie siècle, dans le Gilles de Chin de Gautier de Tournai et dans le Lapidaire de Berne, et à celui de Troie et de l’Eneas dans le Donnet des amanz, encore en partie inédit, où Atys et Ismène figurent à côté de Paris et d’Hélène, d’Énée et de Didon. Enfin Christine de Pisan, dans ses Cent hystoires de Troie, emprunte à l’une des rédactions en prose le sujet de deux de ses moralités, Adrastus et Amphoras.

La littérature provençale, en dehors des allusions que l’on trouve dans les curieux catalogues de jongleur de Guiraut de Cabreira, de Guiraut de Calanson et de Bertran de Paris du Rouergue, en fournit deux d’Arnaut de Marveil, précieuses par leur ancienneté (entre 1170 et 1200), dont une, qui est unique, rappelle les amours d’Étéocle et de Salemandre, et, au xiiie siècle, une dans Flamenca : d’autres encore dans le Tezaur de Peire de Corbiac, dans une pièce allégorique du Catalan Andrea Febrer, etc.

Dans un poème italien en octaves du xive siècle récemment publié[1], qui est une espèce de répertoire de jongleur, la légende thébaine, qui se rattache à notre roman, occupe autant de place que la légende de Troie. L’auteur fait allusion à un poème en 36 chants, sans doute définitivement perdu, et à une histoire de Thèbes en 80 chapitres, qui semble conservée, sous deux formes différentes, dans deux manuscrits de la bibliothèque de Saint-Marc, à Venise : il nous est toutefois impossible d’affirmer si ces imitations se rattachent directement au roman, ou bien aux rédactions en prose dont il nous reste à nous occuper.

3. Rédactions en prose. — Nous possédons deux rédactions en prose du Roman de Thèbes, dont la seconde ne se distingue de la première que par un peu de délayage. Celle-ci[2] ne saurait être postérieure à 1230, puisqu’elle fait partie d’une compilation

  1. Par M. Pio Rajna, dans la Zeitschrift für romanische Philologie, II, 220 et suiv. et 419 et suiv.
  2. Elle a été imprimée au xvie siècle sous le nom de Edipus et réimprimée de nos jours dans la collection Silvestre.