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ROMANS ÉPIQUES

Cette rédaction était très probablement un peu plus développée que la traduction de Septimius[1] : en tout cas, elle contenait une série de portraits dont il convient de dire un mot. Le témoignage de Dictys est invoqué par le chroniqueur byzantin Malala (commencement du ixe siècle), dans le livre V de sa Chronographie, et par Cedrenus (fin du xe siècle ?), qui en dérive pour la partie de son Histoire universelle (Σύνοψις ίστοριῶν) qui traite de la guerre de Troie, mais qui toutefois a connu aussi et parfois utilisé Dictys[2]. Or ni Malala, ni Cedrenus, quoi qu’on en ait dit, ne connaissaient le latin[3], et ils n’ont pu puiser que dans l’original grec de Septimius. On objecte, il est vrai[4], que Malala, et à sa suite Isaac Porphyrogénète, frère de l’empereur Alexis Ier (fin du xie siècle), donnent, comme Darès, une série de portraits (à peu près identiques dans les deux auteurs, mais notablement différents de ceux de Darès[5]), et prétendent les avoir empruntés à Dictys, et l’on conclut de ce qu’ils ne se trouvent pas dans notre Dictys latin qu’ils ont dû confondre Darès avec Dictys et que le Dictys latin a seul existé ?[6] M. Kœrting, à l’opinion de qui nous nous rangeons pleinement, fait observer que Tzetzès[7] donne les portraits, non en tête du récit, mais assez tard : ceux des Troyens

    (milieu du xie siècle) et par Eudoxie, femme de l’empereur Constantin XI Ducas (1059-1067).

  1. Ainsi Malala parle avec quelque détail, en se référant à Sisyphe de Cos et à Dictys, d’un banquet où Teucer raconte à Pyrrhus, après la guerre de Troie les événements qui ont précédé et suivi la mort d’Hector ; Tzetzès raconte (d’après Dictys) qu’Œnone, la première femme de Paris, se pendit de désespoir après sa mort, tandis que le Dictys que nous avons dit qu’elle mourut de douleur. D’autre part, il y a dans la traduction latine un certain nombre de points peu clairs qui semblent trahir une suppression : ces lacunes sont parfois comblées par Malala.
  2. Voir Kœrting, loc. laud., p. 22 et suiv.
  3. Voir Kœrting, loc. laud., p. 18-21 et 58-63.
  4. Voir Joly, loc. laud., I, 194 et suiv.
  5. Malala en donne 18. Isaac en ajoute 9, qu’il place en tête et qui, appartenant presque tous à des personnages importants, comme Agamemnon. Ulysse, Palamède, Diomède, etc., doivent (étant donnée l’impéritie de l’écrivain) appartenir à la même source que les autres. Tzetzès (cf. n. 7) donne 33 portraits.
  6. D’après M. Joly, Septimius déclarant qu’il a réduit à un les quatre derniers livres de Dictys, et ces livres commençant après la prise de Troie, les portraits n’ont pu s’y trouver ; et ils ne se trouvaient pas non plus dans les cinq premiers, puisque le traducteur a dû les conserver tels quels. En réalité, il dit seulement des cinq premiers livres qu’il en a conservé le nombre (numerum servavimus) : ce qui ne prouve rien pour le contenu.
  7. Tzetzès, qui a écrit ses Ἰλιαχά (en vers) dans la seconde moitié du xiie siècle, est très voisin de Malala et d’Isaac pour les neuf portraits spéciaux à celui-ci : les épithètes homériques qu’il substitue à celles de ses modèles n’empêchent pas de constater ces ressemblances. Cependant il est possible que sa source soit le Dictys grec.