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Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 1, 1896.djvu/354

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L’ÉPOPÉE ANTIQUE

mais dérive indirectement de Benoit, quoiqu’il offre certains traits de l’Historia de Guido : il est imité et parfois copié par Domenico da Montechiello dans son Trojano, aussi en octaves ; 7o un autre poème, imprimé en 1491, également intitulé Il Trojano, dont l’auteur semble avoir librement mis en œuvre une rédaction en prose du Roman de Troie, où figuraient certaines additions d’origine classique, comme l’histoire de l’enfance de Paris et de ses amours avec Œnone, et qui se termine par l’histoire d’Énée et un résumé de celle de Rome ; 8o le court récit en 44 stances contenu dans l’Intelligenza, qui, malgré quelques petites différences, se rattache à un résumé du poème français[1] ; 9o enfin, la traduction (environ 8000 vers) en grec politique, en manuscrit à la Bibliothèque nationale, qu’a étudiée M. Gidel dans ses Études sur la littérature grecque moderne et qui se rapproche beaucoup de notre poème[2].

L’épisode le plus important du Roman de Troie a eu, grâce à son originalité, une fortune particulièrement heureuse. Les amours de Troïlus et Briseïda ont servi de thème au charmant poème de Boccace, Il Filostrato, « le vaincu d’amour ». Il est vrai qu’ici nous avons affaire, non à une simple imitation, mais à une création véritable, création d’autant plus intéressante que, sous le nom de Troïlo, le poète chante ses propres infortunes amoureuses et l’abandon de la Fiammetta (la princesse Maria d’Aquino, fille naturelle du roi de Naples Robert), et qu’il n’emprunte guère à Benoit et à Guido que le cadre de leur œuvre, non sans le modifier. Il en résulte des changements considérables dans les caractères des deux amants et dans l’importance respective de leur rôle. Chez Boccace, Troïlus guerrier passe au second plan et Troïlus amoureux et trahi au premier, tandis que chez Benoit, ce qui est mis en relief, c’est le caractère de la jeune fille, sa coquetterie et la facilité avec laquelle elle abandonne Troïlus pour Diomède. Boccace fait de Griseida[3] une veuve sen-

  1. Voir Gorra, loc. laud., p. 278 et suiv.
  2. Nous laissons de côté les œuvres en prose qui s’inspirent moins directement de Benoit ou de Guido, ou de l’un et de l’autre, comme le Trésor de Brunetto Latino, la Fiorita (inédite) d’Armannino de Bologne (1325), les Fiori d’Italia, etc., ou qui ne traitent qu’une partie de la légende, comme les Contidi antichi cavalieri, etc.
  3. Déjà en 1325, Armannino de Bologne, dans la partie de sa Fiorita qui concerne l’histoire de Troie, l’appelle Crisseida. De son expédition contre Teuthras en Thrace, Achille, nous dit-il, ramena prisonnières « Briseida et Crisseida »,