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Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 1, 1896.djvu/364

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L’ÉPOPÉE ANTIQUE

rimes et le trop grand nombre de vers que contiennent les laisses obligent l’auteur à des périphrases peu naturelles et le font tomber dans une monotonie fatigante. Comme en plusieurs passages Jacot est plus long que son modèle, on pourrait croire qu’il l’a complété, tantôt en remontant au poème de Lucain, tantôt à l’aide des Commentaires de la guerre civile : il est plus probable qu’il a eu sous les yeux un manuscrit perdu de Jehan plus complet et meilleur, exceptionnellement moins bon[1].

Les Faits des Romains, compilation en prose encore inédite, écrite entre 1223 et 1230, qu’a fait connaître M. P. Meyer[2], n’offrent d’autre ressemblance avec l’histoire ou le poème de César que celles qui résultent d’une certaine communauté de sources[3]. L’auteur anonyme compile, comme le dit le titre de plusieurs manuscrits, Salluste, Suétone et Lucain, et de plus les Commentaires de César et de ses continuateurs, complétant parfois les uns par les autres et comparant ces divers témoignages, mais se contentant le plus souvent de les juxtaposer en les traduisant ou les analysant assez exactement. Jongleur autant qu’historien et traducteur, il développe les scènes qui pouvaient plaire à un auditoire du moyen âge et les arrange à la façon des auteurs de poèmes imités de l’antiquité. Reproduisant, quoique avec quelque réserve, les procédés que nous avons vus employés dans les romans d’Eneas, de Troie et de Thèbes, il fait des soldats de César et de Pompée des chevaliers combattant sous l’armure et avec la tactique du xiiie siècle, et, sans grand souci de la couleur de l’époque, introduit dans son récit les Français, les Flamands et les Sesnes (Germani), parle de nonnes au lieu de vestales et nous dit que César obtint la dignité d’ « evesque »[4]. Comme dans l’œuvre de Jehan de Thuin, le merveilleux a disparu et aussi l’hostilité contre César qui animait le modèle : toutefois la grande figure de Caton est traitée avec beaucoup de sympathie. Les Faits des Romains, qui devaient comprendre l’histoire des douze Césars, ont été inter-

  1. Voir G. Paris, Romania, maj, 381.
  2. Voir Rom., XIV, 1 et suiv.
  3. M. Settegast croit que cette compilation a pour auteurs ces « maistres d’Orliens », dont Jehan conteste par deux fois le témoignage. Il s’agit plutôt, vu les dates, de gloses sur Lucain, usitées à Orléans, où l’on expliquait surtout les poètes classiques. Voir G. Paris, Romania, IX, 622.
  4. Cf. P. Meyer, Rom., XIV, 4 et 29.