Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 1, 1896.djvu/366

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
230
L’ÉPOPÉE ANTIQUE

beaucoup plus répandu[1], et celle de l’archiprêtre Léon, Historia Alexandri magni, regis Macedoniæ, de prœliis, ou simplement Historia de prœliis (xe siècle). Il faut y joindre la correspondance d’Alexandre avec Dindimus, roi des brahmanes, et l’Alexandri magni iter ad Paradisum. La version de Valerius contient naturellement la curieuse Lettre d’Alexandre à Aristote sur les merveilles de l’Inde, que le moyen âge devait utiliser avec tant de complaisance. Cette lettre, développée et souvent modifiée, se montre dans l’Epitome détachée du texte et placée à la suite comme un complément : elle a été, du reste, souvent copiée à part. L’Historia, connue dès le xie siècle en Allemagne, l’a été dès la fin du xiie siècle en France[2] ; mais ce n’est que dans la seconde moitié du xiiie siècle qu’elle a peu à peu remplacé l’Epitome dans la faveur publique et qu’elle a été utilisée de préférence à celui-ci dans les compositions légendaires sur Alexandre. Ainsi, elle semble n’avoir été utilisée que dans la première partie de la quatrième branche du grand roman français en alexandrins dont nous allons surtout nous occuper, tandis que les trois premières branches, dans tout ce qui n’est pas de pure imagination, s’appuient principalement sur Valerius (ou l’Epitome), sur la Lettre à Aristote et sur l’Iter ad Paradisum.

On désigne plus particulièrement sous le nom de Roman d’Alexandre, l’œuvre de Lambert le Tort et d’Alexandre de Bernay, c’est-à-dire le roman de plus de 20 000 vers dodécasyllabiques, en laisses monorines, qu’a publié H. Michelant en 1846[3], et dont nous allons faire connaître sommairement le contenu.

1. Analyse du Roman en alexandrins. — Après un court prologue où il fait l’éloge de son sujet, l’auteur raconte les prodiges qui accompagnent la naissance du héros, ses premières années, l’éducation que lui donne Aristote avec l’aide de maîtres habiles, parmi lesquels figure l’enchanteur Nectanebus, qu’Alexandre précipite du haut d’un rocher, à cause du bruit qui

  1. Cet abrégé, beaucoup plus resserré à la fin qu’au commencement, a passé par plusieurs états intermédiaires, dont un est représenté par un ms. d’Oxford (voir P. Meyer, Alexandre, etc., II, 20 et suiv.). Il a été inséré par Vincent de Beauvais dans son Speculum historiale.
  2. Voir P. Meyer, Romania, XXIII, 261.
  3. L’édition est faite d’après un ms. médiocre, le no 786 du fonds français de la Bibliothèque nationale, avec addition en note d’un certain nombre de variantes tirées du ms. no 375. Elle a été assez maladroitement modifiée, en 1861, dans l’édition de Le Court de La Villethassetz et Talbot.