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ROMANS HISTORIQUES OU PSEUDO-HISTORIQUES

lui apprend que Darius exige de lui un tribut. Il y a là comme un nouveau poème qui semble ignorer le premier. Darius demande en vain le secours du roi de l’Inde, Porus : il est bientôt abandonné par ses hommes et assassiné par deux serfs à qui il avait donné toute sa confiance. Alexandre les fait pendre et s’engage dans un désert plein de bêtes féroces. Puis il se fait descendre au fond de la mer dans un tonneau de verre pour étudier les mœurs des habitants.

Il marche alors contre Porus[1], le met en fuite et s’empare de sa ville, qui renfermait des richesses immenses. Il le poursuit ensuite à travers les immenses régions de l’Inde, dont le trouveur nous décrit, surtout d’après la Lettre d’Alexandre à Aristote, les étranges merveilles, et tout d’abord le fleuve aux eaux amères peuplé d’hippopotames, et l’étang d’eau douce où vont boire, après le coucher du soleil, des multitudes de bêtes féroces. La bataille de Batre (Bactres), où Porus est fait prisonnier, est traitée à la façon des chansons de geste comme toutes les autres, c’est-à-dire qu’elle consiste essentiellement en un certain nombre de combats singuliers. Alexandre rend à Porus son royaume et se met à la poursuite de ses deux alliés Gos et Magos (Gog et Magog). Ne pouvant les atteindre, il les enferme dans leurs étroits défilés en en murant l’entrée. Il se fait ensuite conduire par Porus aux « bornes Hercu », c’est-à-dire aux colonnes d’Hercule. Ayant voulu les dépasser malgré l’avis de Porus, il est attaqué par des multitudes d’éléphants, qu’il ne peut mettre en fuite qu’en les effrayant par les hennissements des chevaux et les grognements des truies. L’état marécageux du sol l’oblige bientôt au retour.

Nouvelles merveilles et nouvelles aventures, la plupart empruntées à la Lettre à Aristote : le monstre dont la peau ne peut être percée, les Otifals amphibies (Ichthyophagi de la Lettre), le val périlleux[2], les femmes aquatiques, souvenir des

  1. Huit jours après la conquête du royaume de Darius, ce qui est en contradiction avec les détails qui précèdent immédiatement et annonce une nouvelle partie du poème.
  2. Alexandre y trouve une inscription disant que l’armée égarée ne retrouvera son chemin que si un homme consent à rester dans la vallée. Alexandre se dévoue, et après une nuit épouvantable passée parmi d’horribles monstres au milieu des éléments déchaînés, il trouve un diable écrasé par une grosse pierre, qui lui indique son chemin à condition qu’il le délivrera.