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Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 1, 1896.djvu/386

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L’ÉPOPÉE ANTIQUE

où il faut évidemment entendre les représentations de miracles ou de mystères : c’est un des plus curieux témoignages que nous ayons des spectacles dramatiques donnés en dehors de l’église.

2. La Clef d’amours. — Ce petit poème du xiiie siècle, imprimé d’abord, en rajeunissant la langue, au commencement du xvie siècle, puis par M. Edwin Tross, d’après son manuscrit, en 1866, ne contient que 3200 vers octosyllabiques : c’est dire que l’auteur inconnu[1], qui a introduit quelques additions de son cru, supprime, comme maître Élie, tout ce qui, dans Ovide, lui semble ne pas viser directement le but poursuivi. Les tournois ou, par aventure, les entrées royales (l’auteur est provincial et probablement Normand), remplaçant ici les jeux d’Élie, le marché, le temple, les « caroles », les places où l’on regarde les bateleurs : tels sont les endroits et les occasions favorables pour rencontrer les dames. On peut relever de curieux détails sur le costume des femmes et les talents qu’elles doivent posséder pour plaire. Il faut savoir gré à l’auteur, qui ne manquait pas de savoir-faire, de sa protestation contre l’affirmation d’Ovide que l’amour des vieilles est à rechercher par les jeunes gens comme plus profitable, comme aussi des efforts qu’il a faits pour atténuer la crudité de son modèle et rendre lisible à tous l’œuvre qu’il écrivait sous le commandement exprès du dieu d’amour.

3. Jakes d’Amiens. — On ne saurait accorder le même éloge à Jakes d’Amiens, qui est peut-être le même que celui dont on a cinq chansons, une pastourelle et un jeu-parti avec Colin Muset (commencement du xiiie siècle). Son poème de 2384 vers, imprimé par M. G. Kœrting[2] en 1868 d’après le ms. de Dresde, le seul qu’on connût alors, est parfois, en particulier dans le dernier chapitre, qui s’adresse aux femmes, platement grossier[3] : il l’a écrit, dit-il, dans l’espoir d’obtenir merci d’une belle blonde qu’il aime et qui se montre pour lui cruelle[4], et on doit l’excuser s’il a fait quelque faute ou laissé échapper des expressions trop

  1. Il a voulu se nommer à la fin dans une énigme, qui malheureusement, a en partie disparu dans le ms. unique et ne figure pas dans les éditions du xvie siècle.
  2. L’Art d’amors und li Remedes d’amors, zwei altfranzœsische Lehrgedichte von Jacques d’Amiens, Leipzig, 1868.
  3. Cf. G. Paris, loc. laud., p. 19
  4. Amors, faites que il agrée A ma très douce dame ciére, Ki souvent m’i fait pale ciére… Encor ne m’a s’amnor dounée La bielle blonde désirée.