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Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 1, 1896.djvu/387

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CONTES MYTHOLOGIQUES

hardies. Son originalité consiste en ceci qu’il consacre plus de 500 vers (qui ne doivent rien à Ovide) à enseigner en quels termes on doit déclarer son amour, soit à une dame du commun, soit à une dame de haut rang, soit à une jeune fille. L’idée de ces conversations amoureuses semble empruntée au de Arte honeste amandi d’André le chapelain[1], mais elles sont, chez Jakes, beaucoup moins alambiquées et surtout beaucoup moins platoniques.

4. Traduction en prose avec commentaire. — En dehors de ces trois imitations versifiées, et des 65 quatrains monorimes de Guiart, « singulier mélange d’obscénités et de dévotion[2] », nous avons, dans deux manuscrits, un texte incomplet (probablement du commencement du xive siècle) d’une traduction glosée des deux premiers livres de l’Art d’aimer, où manque tantôt la glose, tantôt la traduction. L’auteur, qui a la prétention d’expliquer toutes les allusions d’Ovide à la mythologie grecque, montre une grande ignorance et un aplomb non moins grand[3]. Mais ce texte est précieux à cause des nombreux vers ou refrains de chansons qu’il cite et que relève avec soin M. G. Paris dans l’article plusieurs fois cité.

5. Les Remèdes d’amour. — La seule traduction des Remedia amoris, portant ce titre, qui nous soit parvenue date du commencement du xive siècle ; elle est incomplète et suit d’assez près le texte latin pour qu’on ait pu intercaler dans le ms. la version française entre des groupes de deux ou de quatre vers. Le titre de Confort ou Remède d’amour a été improprement donné par son auteur anonyme (fin du xiiie siècle) à un petit poème de peu de valeur mais d’une moralité sévère, qu’a imprimé M. G. Kœrting à la suite de l’Art d’amours de Jakes

  1. Ce livre curieux, véritable code de l’amour courtois, date du commencement du xiiie siècle et a été traduit dans le même siècle par Drouart la Vache.
  2. G. Paris, loc. laud., p. 20. Cf. Hist. litt., XXIII, 291. — Dans sa troisième partie, l’auteur enseigne à se débarrasser de l’amour : il invoque surtout des motifs religieux, mais emprunte aussi quelques traits aux Remedia amoris d’Ovide.
  3. Nous en citerons seulement deux preuves, à la suite de M. G. Paris. Voici comme il traduit (lisant curva au lieu de cerva) le vers Longius insidias cerva videbit anus : « car les vieilles courbes et bossues voient de plus loin les aguaiz » ; et à propos du vers Andromeden Perseus nigris portavit ab Indis, il fait cette remarque : « Perseus fu fils de Jupiter, et alla en Inde la majour (c’est a dire la greignour, pour ce qu’ilz sont deux Indes) ; en icelle Inde vit Andromacha (sic), si lui plut moult, et l’amena en son païs en Grèce. » Par suite de la même confusion, il reproche sa légèreté à Andromaque, qui aima Persée, louant Hector de ne pas l’avoir méprisée pour cela et de ne s’être pas éloigné d’elle.