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Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 1, 1896.djvu/388

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L’ÉPOPÉE ANTIQUE

d’Amiens et qu’il a attribué à tort à ce dernier : on n’a pu y relever que deux passages imités d’Ovide.

Enfin il convient de signaler une traduction des Remedia, imprimés par le même savant allemand d’après les deux mss. de Dresde et de Venise[1], que l’on trouve insérée dans le vaste poème inédit des Échecs amoureux, composé entre 1370 et 1380. Voici l’analyse succincte de ce poème, qui doit beaucoup au Roman de la Rose : Nature se montre à l’auteur un matin de printemps alors qu’il est encore couché et lui conseille un voyage à travers le monde. Il obéit et rencontre les trois déesses Junon, Pallas et Vénus, conduites par Mercure, qui l’engage à recommencer le jugement de Paris au sujet de la pomme. Vénus, reconnaissante de la préférence qu’il lui a donnée, lui accorde la permission de se rendre dans le jardin de son fils Déduit ou Jocus, qu’il trouve occupé à une partie d’échecs avec une ravissante jeune fille. Il remplace le dieu et ne tarde pas à être battu et, de plus, gravement féru d’amour. Alors Déduit lui enseigne, d’après Ovide, les moyens de plaire à l’objet aimé. Le poète amoureux sent renaître en lui l’espoir. Mais Pallas arrive, qui l’engage à fuir l’amour comme une source d’oisiveté et de corruption et à donner un noble but à sa vie. À l’appui de ses conseils, elle lui fait connaître les règles trouvées par Ovide pour guérir du mal d’amour. Puis viennent de longues dissertations sur le bonheur et les moyens d’y arriver, sur les diverses conditions et les devoirs qui s’y rapportent, et Pallas termine par l’éloge du mariage et des conseils sur l’éducation des enfants et la conduite d’une maison. Cette dernière partie est une source précieuse de renseignements sur les mœurs de la seconde moitié du xive siècle, et sur la société tout entière de cette époque de transition qui annonce déjà les temps modernes.

BIBLIOGRAPHIE

Histoire littéraire de la France, t. XIII, p. 423 et suiv. ; XV, p. 119 et suiv. ; 160 et suiv. ; XVII, p. 635 et suiv. ; XIX, p. 665 et suiv. ; 761-764 ; 765-767 ; XXIX, p. 455 et suiv. — Revue critique d’histoire et de philologie, t. V, p. 247

  1. Deux traductions bien antérieures sont signalées, l’une par Marie de France, l’autre par l’un des traducteurs (xiiie siècle) du Lapidaire de Marbode, qui s’en déclare l’auteur.