Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 1, 1896.djvu/434

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 « Arthur, fait-elle, écoute-moi,
Et ces barons qu’ici je vois !
J’ai aimé un de tes vassaux,
Lanval, que vous voyez ici !
En ta cour il fut accusé.
Je ne veux point que ce qu’il dit
Tourne à son dam. Ce sache donc
Que c’est la reine qui eut tort ;
Jamais d’amour ne la requit.
Quant à la vanterie qu’il fit,
Si par moi peut en être absous,
Par vos barons soit acquitté. »

À l’unanimité la cour déclare que Lanval ne s’est pas vanté sans raison, et l’acquitte. Alors la fée prend congé d’Arthur. Lanval était monté sur la pierre de marbre noir qui servait aux pesants hommes d’armes pour se mettre en selle. Au moment où son amie franchit le seuil, il saute derrière elle sur son palefroi, et s’en va avec elle dans l’île fortunée d’Avalon. Nul n’en entendit plus parler, et Marie de France n’en peut rien conter de plus.

Eliduc.Eliduc est incontestablement la plus belle œuvre de Marie de France. C’est l’histoire d’un chevalier marié, qui est amené par les circonstances à se laisser aimer par une jeune princesse qui le croit libre, et à l’aimer lui-même passionnément. À la suite d’incidents touchants, que l’analyse détaillée fera connaître, la femme du chevalier se sacrifie et se retire dans un couvent, où plus tard elle sera rejointe par sa rivale et où elles finiront leur vie en priant pour leur ami commun.

Le récit commence au moment où un vaillant chevalier de la petite Bretagne, Eliduc, ayant encouru la disgrâce de son roi, quitte son pays pour aller chercher en Angleterre un utile emploi de sa valeur. Il confie sa femme à ses amis, lui promet de lui conserver sa foi, et s’embarque avec dix chevaliers. Il apprend qu’un vieux roi du pays d’Exeter est en guerre avec un de ses voisins : il se met à sa solde, et repousse victorieusement une attaque des ennemis. Le roi reconnaissant fait de lui le gardien de sa terre et lui fait promettre de rester à son service une année entière.

Cependant, Guilliadon, fille unique du roi, entend parler de la prouesse d’Eliduc, et lui fait demander par un de ses chambellans de venir causer familièrement avec elle. Il se rend à son appel, se présente avec une noble simplicité et la remercie courtoisement.