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Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 1, 1896.djvu/44

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française, ni étymologie italienne, il n’y a qu’une étymologie romane, dont les trois conditions essentielles sont d’être phonétique, historique et comparative.

Or on a pu, tout en se soumettant à tant d’exigences rigoureuses, ou plutôt parce qu’on s’y est soumis, car la recherche se trouve soutenue et assurée par elles, loin d’en être entravée, établir de façon certaine, que plus des neuf dixièmes des mots français héréditaires ne sont autre chose que des mots latins, dont quelques-uns étaient devenus méconnaissables par suite des changements continuels que la prononciation populaire avait fait subir aux sons qui les composaient (ex. : heur = augurium ; évier = aquarium ; Lagny = Latiniacum).

Les mêmes recherches ont prouvé que le vocabulaire des parlers de France autres que le français, et, d’une manière plus générale, que le vocabulaire des parlers romans d’Italie, de Suisse et d’Espagne était aussi le vocabulaire latin, diversement transformé. Ce que les variétés de temps et de lieu avaient diversement transfiguré, l’analyse philologique le restitue, dans son unité et son identité primitive. Voilà un premier résultat, qui ne peut être mis en doute, et qui a une importance capitale.

Il est tout naturel dans notre hypothèse, puisque, ces idiomes, langues littéraires ou patois n’étant que des développements sur différents territoires d’une langue unique, on comprend sans peine qu’ils aient gardé le vocabulaire de cette langue, en le mêlant de quelques autres éléments.

Si au contraire on suppose les langues romanes hétérogènes, il faudrait admettre que les langues indigènes ont été pénétrées par le lexique latin, sans pourtant se confondre avec l’idiome qui les envahissait, ni perdre leur individualité. Je l’ai encore entendu soutenir. C’est ainsi, dit-on, que l’ancien français avait francisé une foule de vocables germaniques, que l’anglais a adopté bien des mots romans, que le roumain est tout pénétré de slave en Valachie, de hongrois en Transylvanie, de grec en Macédoine, que le breton reçoit tous les jours de nouveaux apports du français ; chacun de ces idiomes n’en demeure pas moins lui-même.

Il ne faut pas se laisser prendre à ces analogies. D’abord, les lois phonétiques dont je parlais tout à l’heure, considérées en elles-mêmes, nous fournissent des indications très nettes sur