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Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 1, 1896.djvu/45

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l’origine de notre idiome et les langues auxquelles il et apparenté. Quelle que soit en effet la diversité infinie des lois de détail, telles qu’on les observe sur le territoire immense de l’Europe occidentale, il est visible néanmoins que, si les différences de milieu ont créé aux sons des développements extrêmement variables, néanmoins des tendances communes se retrouvent et, soit dans le maintien de certaines prononciations, soit dans l’altération sensiblement analogue ou parallèle de certaines autres, des dispositions communes se révèlent. Qu’on regarde par exemple la liste des formes qu’a données le latin leporem (fr. lièvre, ital. lepre, rhet.-rom. levre, prov. lebre, cat. lebra, esp. liebre, port. lebre, roum. iepure), il est impossible de ne pas être frappé des rapports qui existent entre elles ; ils sont déjà visibles dans cette tendance à la diphtongaison en ie de l’e bref, qui se manifeste à la fois en France, en Espagne et en Roumanie, et que nous retrouverions encore ailleurs dans des dialectes parlés ; ils sont bien plus frappants, si on considère la tendance à l’affaiblissement du p dans le groupe pr. Partout, sauf en roumain et en italien (et là aussi le phénomène se produirait, si le groupe précédait la voyelle tonique), le p passe au b, au v, des patois le font descendre à u. Et les traités de phonétique comparée mettent en lumière un assez grand nombre de ces rencontres pour qu’elles prennent une tout autre portée que celle qu’un exemple isolé peut leur donner. Il y a plus, quand on cherche la source de ces dispositions, on la trouve souvent dans le latin même, tandis que les langues indigènes, autant que nous pouvons les connaître, en manifestent de toutes contraires ou au moins de toutes différentes. Autant ces ressemblances, que la phonétique de chaque parler roman présente avec la phonétique de ses voisins et celle du latin même, se comprennent sans peine, si on admet que le développement phonétique de tous ces parlers n’est que la continuation et l’extension du développement phonétique latin, influencé par des milieux différents, autant ces rencontres deviennent incompréhensibles, si on n’a pour les expliquer que les quelques tendances générales qui semblent dominer l’évolution de toutes les langues, et qui auraient pu par suite être communes même à des idiomes de familles aussi différentes que