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Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 1, 1896.djvu/464

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Le grand « Lancelot » en prose. — D’autres romans perdus, pour plusieurs desquels il nous reste des traductions étrangères, servirent de transition entre le Chevalier à la charrette de Chrétien et les trois Perceval d’une part, et d’autre part le grand Lancelot en prose, compilé vers 1220, qui devint la forme définitive de ces diverses aventures, celle qui se conserva jusqu’au XVe siècle et qui obtint alors, grâce à l’imprimerie, un nouveau succès. Le grand Lancelot en prose, qui commence à la naissance et finit à la mort de Lancelot, contient en effet, outre les aventures de son héros principal, celles de Perceval et de beaucoup d’autres chevaliers de la Table ronde, le récit de la « quête » du Saint-Graal, et les derniers événements du règne d’Arthur. La gloire de la conquête du Graal y est donnée non plus à Perceval, mais à Galaad, fils de Lancelot.

Cette vaste compilation ne peut être analysée ici, même sommairement. Lancelot y est présenté comme aimant la reine Guenièvre depuis le jour où il a été armé chevalier ; lorsque, après de nombreux exploits, il trouve l’occasion et le courage de lui avouer ses sentiments, elle ne peut résister à la prière d’un tel héros, et sur-le-champ, en gage d’amour, elle lui offre et lui donne un baiser. À travers bien des épreuves, il lui demeure toujours fidèle, et ce n’est qu’à la suite d’un enchantement, croyant être dans ses bras, qu’il engendre Galaad, le futur conquérant du Saint-Graal. Les deux amants finissent leur vie sous l’habit religieux : après la terrible bataille où Arthur et le traître Mordret s’entretuèrent et qui mit fin aux aventures de la Table ronde (car « il n’en échappa que trois hommes, dont le roi Arthur en était l’un, qui était navré à mort » ), la reine s’était fait religieuse, pour éviter les fureurs des fils de Mordret, et Lancelot[1], après avoir vengé Arthur sur les fils du traître, ayant perdu ses amis et sa dame, se fit lui-même ermite.

Avant le grand épisode de la trahison de Mordret et de la mort d’Arthur, les aventures du Graal avaient aussi pris fin. De tous les chevaliers qui étaient partis à la « quête » du Saint-Graal, trois seulement, Boort, Perceval et Galaad purent entrer

  1. Dans un autre roman du XIIe siècle, dont il ne reste qu’une traduction allemande, Lancelot a des aventures qui diffèrent considérablement de celles que lui prêtent Chrétien et l’auteur du grand Lancelot : il épouse la belle Iblis et termine paisiblement sa vie près d’elle.