Aller au contenu

Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 1, 1896.djvu/470

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

qu’il rattache au cycle arthurien, prétend être ce même Hélie, et s’introduit dans la famille de Robert de Boron en prenant le nom de « Hélie de Boron ».

M. Gaston Paris nous a révélé le secret de ces petites supercheries, et il a établi d’autre part, d’une façon définitive, l’antériorité des romans en vers sur les romans en prose de la Table ronde. Il a contribué ainsi plus que personne à restituer au cycle arthurien sa véritable physionomie. Les romans en prose ont perdu pour nous beaucoup de leur intérêt depuis que nous savons qu’ils dérivent de poèmes antérieurs ; les aventures même qui paraissent nouvelles peuvent toujours être soupçonnées de remonter à des poèmes que nous n’avons plus. Mais l’invention n’est pas seule à considérer dans les œuvres littéraires. Les romans en prose de la Table ronde offrent déjà les principales qualités de forme dont on fait honneur à la prose française : la facilité élégante, la simplicité, la clarté. Ils ont eu une réputation européenne, ont mérité les éloges répétés de Dante, et ont largement contribué à répandre dans le monde la renommée de notre langue et de notre littérature.

Perceforêt. — Parmi les romans courtois, on a vu dans le chapitre précédent quelle place importante occupent les poèmes consacrés à Alexandre. Il s’est trouvé un auteur qui a conçu l’idée de rattacher la légende d’Alexandre à celle d’Arthur, de réunir les deux cycles en un seul. Tel est l’objet du roman en prose de Perceforest, écrit vers le milieu du XIVe siècle. Après sa guerre de l’Inde, Alexandre est poussé par une tempête sur les côtes d’Angleterre. Il donne comme roi à ce pays un de ses compagnons, qui reçoit le nom de Perceforêt après avoir tué un enchanteur qui demeurait dans une forêt impénétrable. Perceforêt institue les chevaliers du Franc Palais. C’est sous son petit-fils que le Saint-Graal est transporté en Angleterre. Ce roman, qui raconte un nombre considérable d’aventures extraordinaires, ressemble à tous les autres ; il est surtout connu par deux épisodes, celui de « la Belle au bois dormant », qui a eu la fortune que l’on sait, et celui de « la Rose » dont une imitation italienne a fourni à Alfred de Musset le sujet de Barberine.