Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 1, 1896.djvu/48

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sive et d’un sens actif, perdait très souvent sa forme propre. Le passif avait trop de temps composés, pour que, laissée à elle-même, la langue n’abandonnât pas ceux des simples qui restaient : présent, imparfait, etc., et ne les remplaçât pas par des temps analytiques, constitués suivant l’analogie du parfait, du futur antérieur, d’une partie du subjonctif. Sur beaucoup de points l’esprit analytique avait déjà pénétré le latin, même classique.

J’accorde qu’il en est d’autres, où le latin des anciens Latins ne laisse nullement prévoir ce que l’époque romane allait donner. Jamais les textes que nous connaissons ne feraient deviner par exemple l’extraordinaire développement que l’article, encore jugé inutile par Quintilien, allait prendre. Mais ici, mieux qu’ailleurs peut-être, l’évolution du latin peut être suivie de siècle en siècle. Car si nous ne savons pas quand le démonstratif illum commença à s’employer couramment pour exprimer la simple détermination, nous avons du moins des textes assez anciens pour qu’il y apparaisse encore en possession de sa valeur démonstrative, et que nous ne puissions par suite avoir aucun doute sur son identité et sur le rôle qu’il a joué originairement. Dans nos premiers textes, en outre, il manque souvent où on l’attendrait. C’est plus tard seulement qu’on le voit devenir régulier, et il faut descendre des générations et des générations pour arriver à l’époque — c’est au seuil des temps modernes — où il deviendra obligatoire. Si quelque chose de ses origines nous échappe, nous avons donc en tous cas l’histoire de sa longue fortune, et nous voyons se former et grandir cette opposition entre la syntaxe latine et la syntaxe française, qui, complète comme elle l’est aujourd’hui, paraît a priori irréductible.

À la lumière de la méthode historique, on voit de même tous les contrastes, qu’une page de français comparée à une page de latin fait ressortir entre les deux langues, se réduire et disparaître. Et les résultats pour les autres dialectes romans sont les mêmes. De toutes les recherches se dégage cette double conclusion, la même à laquelle conduit l’étude comparée de la phonétique, à savoir que, au fur et à mesure qu’on remonte dans l’histoire, les grammaires italienne, espagnole, proven-