Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 1, 1896.djvu/47

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grammaire historique possède une masse de documents largement suffisante pour mettre hors de doute ce fait général, le seul qui nous occupe ici, à savoir qu’il en est de la grammaire comme du vocabulaire, c’est-à-dire que la grammaire du français, c’est la grammaire du latin, qui a évolué sous l’action des temps et des lieux, en vertu des lois naturelles, physiologiques et psychologiques, dont le jeu constitue la vie du langage. Il n’y a pas ressemblance entre elles, il y a identité et continuité. Je ne saurais, bien entendu, exposer les faits qui le prouvent. En voici quelques-uns cependant ; je les prends à dessein dans les matières où le génie des deux langues paraît le plus éloigné.

D’abord il semble qu’il n’y ait rien de commun entre le système français, qui fait de homme un mot sans flexion casuelle, et le système latin qui décline homo, hominis, homini, hominem, homine. Mais l’étude des textes de langue latine de la décadence montre comment les cas, rendus indistincts par l’usure phonétique qui en assourdissait et confondait les désinences, en rivalité, d’autre part, avec les prépositions ab, ad, de, per, qui depuis longtemps exerçaient des fonctions analogues aux leurs, cédèrent peu à peu à ces dernières, si bien que le sentiment de leur signification alla se perdant, et qu’ils purent sortir de l’usage. L’ancien français nous montre ensuite comment cette décomposition s’arrêta un moment, et comment une demi-déclinaison, réduite à deux cas, s’établit. Homme n’a pas toujours eu une forme unique. Il y avait un sujet om (homo, notre pronom on) à côté du régime homme. Il faut arriver jusqu’au XIVe siècle pour que ce débris des flexions latines disparaisse à son tour, et que les particules à, de, par, restent seules chargées d’exprimer les rapports autrefois dévolus aux cas. On est ainsi conduit d’un extrême à l’autre, par une série de transitions assez nombreuses pour qu’on voie s’enchaîner les faits qui semblaient impossibles à rattacher, qu’on en découvre la préparation, et qu’on aperçoive même quelquefois les causes d’où ils devaient nécessairement résulter. Dans la conjugaison, il est facile de le voir, si peu qu’on observe la manière dont elle était constituée en latin, plusieurs des éléments étaient instables. Le verbe déponent, combinaison contradictoire d’une forme pas-