Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 1, 1896.djvu/492

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Le samedi au soir, faut la semaine :
Gaiete et Oriours, serors germaines,
Main a main vont baignier a la fontaine.

Vente l’ore et li raim crollent :
Qui s’entraiment soef dorment !

L’enfes Gerars revient de la quintaine ;
S’a choisie Gaiete sor la fontaine,
Entre ses braz l’a prise, soef l’a ’strainte.

Vente l’ore…

« Quant avras, Oriours, de l’éve prise,
Reva toi en arrière, bien sés la vile :
Je remandrai Gerart qui bien me prise. »

Vente l’ore…

Or s’en va Oriours, triste et marrie ;
Des euz s’en va plorant, de cuer sospire,
Quant Gaie sa serour n’en meine mie.

Vente l’ore…

« Lasse, fait Oriours, com mar fui née !
J’ai laissié ma serour en la valée ;
L’enfes Gerars l’en meine en sa contrée. »

Vente l’ore…

L’enfes Gerars et Gaie s’en sont torné,
Lor droit chemin ont pris vers la cité ;
Tantost com il y vint, l’a espousé.

Vente l’ore…

(Bartsch, Romanzen und Pastourellen, I, 5.)

Ce sont de petits drames d’amour, au dénouement parfois tragique (no  III du recueil de Bartsch), mais le plus souvent heureux (les nos I, X, se terminent par une réconciliation, les nos II, VIII par un mariage, les nos V, XVIII par un enlève-


    archaïque, nous la traduisons complètement, en respectant le rythme original.

    Le soir du samedi clôt la semaine :
    Gaiete et Oriour, deux sœurs germaines,
    Main à main vont baigner à la fontaine.
    Le vent agite la forêt :
    Que les amants dorment en paix !

    L’enfant Gérard revient de la quintaine (tournoi) ;
    Il aperçoit Gaiete à la fontaine.
    Dans ses bras doucement il l’a étreinte.
    Le vent

    « Quand tu auras, ma sœur, de cette eau prise,
    Retourne sur tes pas, rentre à la ville :
    Moi je reste à Gérard qui tant me prise. »
    Le vent

    Or retourne Oriour, pâle et marrie :
    Des yeux s’en va pleurant, de cœur soupire.
    Voyant que sa sœur Gaie ne veut la suivre.
    Le vent

    « Pour mon malheur, fait-elle, je suis donc née !
    J’ai dû laisser ma sœur dans la vallée ;
    L’enfant Gérard l’emmène en sa contrée. »
    Le vent

    Gaie et Gérard se sont vite éloignés,
    Ils ont pris leur chemin vers la cité ;
    Les deux amants s’y sont tôt épousés.
    Le vent….