Aller au contenu

Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 1, 1896.djvu/508

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

minaient souvent par une sorte d’invocation, accompagnée de gestes gracieux, au mois de mai, que souvent elles contenaient la description des joyeux ébats qu’il ramenait :

… Or du chanter en l’onor de mai !
Tendés tuit vos mains à la flor d’esté,
A la flor de lis,
Por Dieu, tendés i !

Ce qui dans les chansons de mai n’était qu’une invocation est devenu, dans les chants qui en sont dérivés et même dans la poésie courtoise, une description plus ou moins longue, formant le début obligatoire de la pièce.

Ces chansons, probablement les plus anciennes, en tout cas les plus simples et les plus innocentes d’inspiration, célèbrent simplement le mois de mai, la verdure renaissante, les fleurs, le chant des oiseaux[1]. Nous n’avons malheureusement conservé que très peu de fragments de ces reverdies primitives, « légères merveilles de grâce et de poésie, pleines de la senteur du printemps et de l’innocente gaîté de la jeunesse, du plaisir de la danse et d’une sorte de mysticisme amoureux à la fois troublant et enfantin[2] ».

La plupart de celles qui nous sont parvenues contiennent surtout une invitation à l’amour, ou, comme tous les genres qui sont dérivés d’elles, une protestation plus ou moins énergique contre tout ce qui s’oppose à sa liberté. Nous avons vu combien ce trait s’était accentué dans les œuvres postérieures, où la protestation contre le mariage est érigée à la hauteur d’un principe développé à satiété et sous mille formes. Il n’est point jusqu’à cette particularité qui ne trouve très naturellement son explication dans l’esprit qui animait ces antiques fêtes de mai qui remontaient certainement à l’époque païenne et en avaient conservé l’empreinte. « C’étaient des fêtes consacrées à Vénus ; on y célébrait sans réserve son empire sur les cœurs, on y enseignait ses

  1. Il est toute une catégorie fort intéressante de pièces, courtoises par quelques détails de style, mais certainement populaires d’inspiration, où ne sont mis en scène que des oiseaux, et notamment le rossignol, qui avait pris une signification symbolique et mystique et était considéré comme le grand prêtre du printemps et de l’amour. Cf. G. Paris, op. cit., p. 13.
  2. G. Paris, loc. cit., p. 54.