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nommés plus haut comme protecteurs de la poésie lyrique eurent avec elles des relations plus ou moins étroites. Gui de Ponthieu fut le tuteur de Guillaume III, qui épousa, en 1195, une fille de Louis VII, Guillaume V de Mâcon prit pour femme une fille de Henri Ier de Champagne et de Marie de France, Othon Ier de Bourgogne, une fille de Thibaut de Blois et d’Aélis. Enfin Philippe de Flandre, qui devait, avec l’aide des comtes de Champagne et de Blois, combattre Philippe-Auguste (1183-86), avait commencé par être le tuteur de ce prince et avait en cette qualité résidé à Paris[1].

Expansion de la poésie courtoise ; seconde et troisième génération de poètes (1190-1230 ; 1230-80) ; trouvères bourgeois. — Les premiers protecteurs de la poésie courtoise appartenaient donc en somme à la génération qui fit cette troisième croisade pendant laquelle devaient périr ses plus notables représentants. Dans cette première période, quoique la vogue du genre nouveau se soit répandue de proche en proche avec une surprenante rapidité, elle se localise en un certain nombre de cours, gravitant presque toutes autour de celles d’où elle était partie. La génération qui suivit la vit s’étendre davantage encore, soit que le succès du genre doive être attribué à sa force naturelle d’expansion, soit qu’il ait été ravivé par les occasions nouvelles qui permirent aux barons du Nord de se familiariser avec la poésie méridionale, telle que la quatrième croisade et l’expédition contre les Albigeois[2]. C’est peut-être dans les quarante premières années du XIIIe siècle que la chanson courtoise a été le plus cultivée. Ses adeptes, qui continuent surtout à se recruter dans la haute société,

  1. Plusieurs de ces personnages protégèrent à la fois les deux genres nouveaux, la poésie lyrique venue du Midi, et les romans celtiques venus de Bretagne ; on ne s’en étonnera pas si l’on songe qu’ils avaient bien des caractères communs, tels que la délicatesse des sentiments et le raffinement du style. Ce fut Philippe de Flandre qui prêta à Chrétien de Troyes le livre d’où il tira le Perceval ; voir ce que nous avons dit plus haut des rapports d’Éléonore avec le même auteur et de Thibaut de Blois avec Gautier d’Arras.

    Parmi les croisés de 1212 étaient Pierre Mauclerc, Bouchart de Marli, Robert Mauvoisin, Amauri de Craon, Roger d’Andeli, Thibaut de Blaison, etc.

  2. À la quatrième croisade se trouvaient Thibaut Ier de Champagne, Louis de Blois, Gui de Couci, Conon de Béthune, Robert Mauvoisin, Renier de Trit, tous connus comme poètes ou protecteurs de la poésie ; d’autre part, Villehardouin nous dit que les Provençaux y étaient nombreux ; divers troubadours, comme Gaucelm Faydit et Rambaut de Vaqueiras, y assistaient.