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Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 1, 1896.djvu/526

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A Dieu comant amouretes[1],
Car je m’en vois
Souspirant en terre estrange !
Dolens lairai les douchetes
Et mout destrois[2].
A Dieu comant amouretes !
J’en feroie roïnetes,
S’estoie roys.
Comant que la chose empraigne[3],
A Dieu comant amouretes,
Car je m’en vois
Souspirant en terre estrange.
(Éd. de Coussemaker, p. 216.)

Cette forme, qui pénétra dans les œuvres dramatiques au XIVe siècle, conserva sa vogue jusqu’au XVIe et fut soumise, suivant les époques, à des modifications diverses qu’il serait trop long d’étudier.

Parmi les rondets d’Adam de la Halle, il en est un qui ne diffère en rien d’une ballette : c’est qu’il n’y a entre les deux genres aucune différence de nature, mais seulement de provenance et de dimension. Le rondet est d’origine française, la ballette, comme l’indique son nom (dérivé de balada)[4], vient du Midi. Celle-ci se compose le plus souvent d’un refrain ouvrant la pièce et de trois couplets, tous suivis du refrain, qui leur est rattaché de façon très variée. La ballette est donc en somme (sauf la présence du refrain au début) identique à une rotruenge qui serait réduite à trois couplets. La forme ainsi régularisée apparaît assez tardivement, mais elle eut vite un grand succès : le manuscrit Douce (écrit au commencement du XIVe siècle) en a conservé une vaste collection (ne comprenant pas moins de cent quatre-vingt-huit pièces, presque toutes inédites) ; si nous ne la possédions pas, les spécimens du genre seraient du reste extrêmement rares.

L’estampie. — L’estampie désigne aussi, comme le montre l’étymologie du mot (germ. stampôn, « battre », ici, « frapper la terre du pied » ), une chanson de danse. Les formes en sont ordinairement plus savantes que celles du rondet ou de la ballette ; on y trouve surtout de longues strophes composées de petits vers courts et sautillants dont le rythme devait fort bien s’harmoniser avec les mouvements d’une danse rapide et saccadée. Ce genre, qui ne paraît guère avoir été cultivé sous cette forme avant la fin

  1. Je dis adieu à mes amours.
  2. En grande détresse.
  3. Quoi qu’il puisse arriver.
  4. Le mot sous sa forme méridionale est appliqué à une ballette française (no 813) et à des pièces d’Adam de la Halle.