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Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 1, 1896.djvu/534

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est de nous faire connaître les œuvres profanes qui obtenaient alors le plus de succès.

Conclusion. — Vers la fin du XIIIe siècle, le goût pour la poésie courtoise, qui avait été si vif et si général, disparut tout à coup : à partir de 1290 environ, les divers genres que nous venons d’étudier cessent brusquement d’être productifs ; à partir du deuxième tiers du XIVe siècle, on cessa même d’en copier les spécimens. La gloire de Gace Brulé, du Châtelain de Couci et de Thibaut de Champagne s’éclipse devant celle de Guillaume de Machaut et de son disciple Eustache Deschamps. C’est que l’idéal de la poésie lyrique change alors presque complètement : les genres qui viennent d’être énumérés font place à d’autres, où il ne reste presque rien de la vieille théorie de l’amour courtois, où les tendances didactiques et morales sont plus sensibles, et qui, non moins compliqués, mais plus fixes dans leurs formes, sont plus étroitement encore subordonnés à la musique. C’est qu’en effet le début du XIVe siècle coïncide avec un changement radical dans la façon de penser et de sentir de la société aristocratique. Il n’est pas étonnant que la disparition des anciennes mœurs ait entraîné la ruine d’un genre qui leur était si intimement uni.


III. — Note sur la musique des chansons.


Dans toute l’histoire de l’art musical des XIIe et XIIIe siècles, il faut distinguer entre les compositions mélodiques, c’est-à-dire à une partie, et celles que De Coussemaker appelle harmoniques, c’est-à-dire à plusieurs parties. On pourrait aussi, pour cette classification, partir d’un autre principe : la première catégorie comprenant les chansons populaires, celles des troubadours et des trouvères ; la seconde, les compositions des maîtres de contrepoint, à diverses parties, suivant le timbre des voix qui chantent simultanément[1]. Et à ce propos débarrassons-nous tout de suite d’une question qui ne valait certes pas toute l’encre

  1. Nous comprenons dans la première catégorie les mélodies populaires pour les parties (refrain) qui étaient chantées en chœur, l’unisson ou l’octave n’étant en réalité qu’une mélodie monophonique.