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rimes, c’est peut-être là un artifice imaginé à une époque d’inspiration moins spontanée.

Cette structure constitue la strophe musicale, et, si haut que nous remontions, nous ne pourrons dépasser ce stade. La strophe ainsi composée nous apparaît aussi dans les genres populaires : bien entendu dans ce cas elle n’a pas pu se passer de la partie qui pouvait seule résonner en chœur sur les lèvres du peuple, c’est-à-dire du refrain. Nous avons donc le type : a + a + coda + refrain ; et alors il est évident que le mot coda est ici peu juste puisque la partie qu’il désigne n’a pas le caractère d’une cadence finale, mais est plutôt un anneau, une transition musicale qui prépare le refrain.

À ce type appartient la fameuse danse de la regina avrillosa.


A. A l’entrada del tems clar, eya !
per joja recomençar, eya !
+
A. e per jelos irritar, eya !
vol la regina mostrar
+
Coda. quel’ es si amorosa.
+
Refrain. a la vi’, a la via, jelos !
laissaz nos, laissaz nos
ballar entre nos, entre nos !


Les mélodies lyriques de genre autrefois populaire contenues dans le manuscrit Saint-Germain appartiennent plus ou moins rigoureusement à ce type[1]. Mais les habitudes mélodiques des genres qui à l’origine étaient populaires conservent un peu de la liberté qu’elles devaient avoir dans le peuple ; au contraire il est naturel que, dans la poésie artistique, les règles soient plus rigoureusement suivies et qu’on y trouve un développement plus large, mais plus régulier. La partie mélodique, qui chez des

  1. J’en ai publié huit dans la brochure : Musica allegra di Francia nei secoli XII e XIII, Parme, 1893. Une autre (Bele Yolans) a été publiée par M. Tiersot, p. 414. La mélodie : En un vergier lez une fontenele (ms. cité f. 65vo) très simple et de genre populaire me paraît avoir une saveur archaïque ; le type en est : a + a + a + coda + refrain. La coda est sur un vers qui a la même rime éle. La danse A l’entrada a la formule a sur deux vers ; cette division binaire est très bien marquée par la diverse modulation de l’Eya. La traduction qu’en donne M. Tiersot (p. 42) est arbitraire ; il fallait tenir compte du changement de clef très lisible dans le manuscrit à partir de la fin du cinquième vers (voir sa note, p. 299). Quant à la mesure du temps, il a cent fois raison d’adopter le mouvement binaire (voir sa note, p. 415) en dépit des règles franconiennes.