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Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 1, 1896.djvu/54

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bien qu’en Picardie ou en Lorraine, le français, quelquefois mêlé de latin, règne exclusivement.

On s’est fondé aussi sur ce fait que les noms de lieux, comme les noms d’hommes de la Gaule romaine, étaient presque tous latins. Ce sont là des indices de romanisation, sans doute, mais non des preuves de romanisation générale. Les noms de lieux auxquels on fait allusion sont pour la plupart des noms de villages, d’agglomérations issues des villas gallo-romaines. Ils indiquent que les grands seigneurs qui en étaient les propriétaires s’appelaient Antonius (Antoniacum = Antony), Sabinius (Sabiniacum = Sevigny), Quintius (Quintiacum = Quincié, Quincy, Quincieux, Quinsac), mais rien de plus, et nous ignorerons sans doute toujours comment se nommaient la plupart des lieux dits, les coins fréquentés par la masse des humbles et baptisés par eux.

Quant aux noms d’hommes, si un grand nombre ont une figure et une origine latines, encore faut-il remarquer que les Gaulois qui les portaient n’avaient pas eu, pour les prendre, à en abandonner d’autres, comme on l’a dit. Au temps de l’indépendance ils ne faisaient usage ni de prénoms ni de gentilices, mais seulement d’un nom auquel ils ajoutaient, quand ils voulaient éviter des confusions, le nom de leur père ou un surnom. Ainsi Kassitalos, Overcicnos (fils d’Overcos). Les noms de famille sont d’imitation romaine. Dès lors il était naturel que l’aristocratie séduite les empruntât à Rome en même temps que l’habitude d’en porter. L’affranchissement les répandait ensuite parmi la population, où les esclaves libérés étaient en grand nombre. La diffusion de ces noms et la multiplication des Julii ou des Antonii peut donc s’expliquer, sans qu’il soit besoin de supposer qu’elle avait pour cause une poussée générale et irrésistible vers la romanisation, ce qui ne veut pas dire du reste qu’elle ne signifie rien à cet égard.

Enfin, pour quiconque connaît, même superficiellement, l’histoire du christianisme primitif en Gaule, il est certain que la langue latine était communément entendue dans le pays. En effet, tous les écrits, même les sermons de ceux qui ont évangélisé villes et campagnes sont en latin ; dans les récits qui nous sont faits de la propagande menée par le pays, dans les instruc-