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fondées) et les refrains sont les parties strophiques qui, dans la musique des chansons, des pastourelles et des autres genres lyriques nous représenteraient le mieux la tradition populaire plus ou moins altérée. La partie qui offre le moins d’altérations, et par conséquent le plus d’intérêt, est évidemment le refrain. Mais il serait dangereux d’aller plus loin. S’aidant des paroles, des situations poétiques des refrains, les confrontant avec des chansons et des situations semblables dans la poésie populaire qui a survécu en France et dans l’ancienne poésie des nations qui l’ont imitée, on a pu jusqu’à un certain point reconstruire les anciennes poésies populaires françaises dont les refrains sont, ou de simples fragments ou des imitations directes. Mais essayer par ces moyens une reconstruction de l’ancienne musique qui accompagnait ces poésies me paraît une tentative prématurée et difficile, du moins pour moi[1].

La musique à plusieurs voix, ou plutôt à plusieurs parties, offre un très grand intérêt pour l’histoire de la musique, car c’est là qu’il faut chercher les origines de l’harmonie moderne. Cette partie de la science musicale a été éclairée spécialement par De Coussemaker. Dès 1853 ce savant avait publié et commenté de nombreux textes dans son Histoire de l’Harmonie au moyen âge. Mais l’examen minutieux du fameux manuscrit de Montpellier (Faculté de Médecine, H, 19) l’a forcé à revenir sur ce sujet dans son ouvrage sur l’Art harmonique, que nous avons déjà cité. Le manuscrit de Montpellier se compose de 397 feuillets et ne renferme pas moins de 345 pièces à deux, trois et quatre parties ; De Coussemaker en a donné 51 en fac-similé et en notation moderne, et M. Lavoix en a fait connaître trois autres[2]. Pour l’histoire de la littérature, l’intérêt de la musique à plusieurs voix est moindre, attendu que le texte, comme l’a dit M. Raynaud (op. cit., p. XVI), n’est soumis à aucune règle de composition ; destiné à n’être que l’accessoire

  1. Galino, p. 3, 5 : « Les refrains les plus anciens ne sont le plus souvent que des fragments obscurs pour nous… Une autre question serait d’étudier de près la musique des refrains afin de voir si elle appartient à la musique de la pièce, et si elle n’est quelquefois qu’un débris d’une autre chanson. » La question serait vraiment intéressante, mais j’avoue que je ne vois pas le moyen de la résoudre.
  2. Pour le texte, voir la copie diplomatique de tout le chansonnier donné par M. Jacobsthal dans la Zeitschrift für rom. Phil., III et IV (1879 et 1880), et l’édition critique de M. Raynaud dans le Recueil de Motets déjà cité.