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Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 1, 1896.djvu/546

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plus essentiellement musical et dans lequel les textes qu’on associait étaient presque toujours religieux, tant pour les paroles, s’il y en avait, que pour le chant ; mais même en se bornant aux autres formes, il n’est pas facile de faire entre elles des distinctions rigoureuses. Le motet est la forme la plus commune, et il est ordinairement à trois parties, ce qui est le cas le plus fréquent dans toutes ces compositions harmoniques ; le tenor tient presque toujours la partie grave sur une phrase empruntée au plain-chant ou plus rarement à une mélodie populaire ; les deux autres voix chantent, ordinairement en langue vulgaire, deux motifs sur des paroles différentes[1]. Au contraire dans le rondel toutes les voix chantent, généralement sur des notes diverses, les mêmes paroles françaises ; dans sa structure musicale le rondel offre aussi quelquefois un retour périodique de la même formule, ce qui provient très probablement de la nature populaire de la mélodie tenor sur laquelle, à l’origine, on commença cette forme de déchant. Le conduit, dont le nom n’a pas une origine bien claire, devait, à ce qu’il paraît, être construit sur un tenor inventé par le compositeur au lieu d’être emprunté[2]. Enfin, pour toutes ces formes de déchant, on voit que ces distinctions provenaient plutôt de la source où l’artiste puisait ses thèmes musicaux que de la manière dont ils étaient associés dans la composition musicale, celle-ci dans son ensemble ayant toujours les mêmes caractères.

Quant à l’exécution musicale de ces diverses formes de discantus, à deux ou à plusieurs parties, on peut la décrire brièvement. S’il n’entrait que des voix dans le concert, chacune exécutant sa partie, la notation écrite est claire par elle-même et n’a pas besoin de commentaire. Si les instruments y prenaient part, nous pouvons presque assurer qu’ils jouaient à l’unisson. Mais avec quelle partie s’accordaient-ils pour cet unisson, cela n’est pas bien clair ; peut-être doublaient-ils la

    cien. Dulciane {douceine, douçainne) n’est que le nom d’un instrument musical, qui en Italie a été employé dans l’orchestre au moins jusqu’à la fin du XVIe siècle.

  1. Quoique le cas ne soit pas fréquent, ces deux voix superposées pouvaient chanter des mélodies déjà connues. Un motet d’Adam de la Halle, par exemple, réunit ces trois chants : 1. Portare (phrase de plain-chant, tenor) ; 2. Robin m’aime (mélodie populaire) ; 3. Mout me fu grief (mélodie préexistante). Le musicien ne peut revendiquer alors que l’arrangement.
  2. On a des rondels et des conduits sans paroles. Dans ce cas, ce sont des morceaux purement instrumentaux.