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Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 1, 1896.djvu/70

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INTRODUCTION

La disparition du gaulois. — De toutes les considérations qui précèdent, il faut conclure, il me semble, que la substitution du latin au gaulois fut très lente et résulta seulement du long travail des siècles. Plusieurs textes, même en les interprétant avec la critique la plus sévère, semblent appuyer cette opinion, tandis qu’aucun ne la contredit.

Je n’ai point l’intention de les examiner un à un, ce qui a été fait ailleurs. Mettons que nous ne savons rien pour les époques tout à fait basses. J’ai dit en effet plus haut quel cas il fallait faire d’un texte souvent cité de Sidoine Apollinaire. Les autres ont moins de valeur positive encore.

Que Claudien, un Alexandrin, s’étonne dans une épigramme de voir des mules obéir à des mots gaulois et s’en amuse, cela prouve peu. Un lettré de son espèce ferait la même réflexion en regardant « les vaches qui passent le gué », et que le paysan conduit au cri de Dia ou Hot ! S’en moquât-il en un sonnet bien parisien, cela ne prouverait nullement que le paysan parle patois, en dehors de ces cris communs à tous les charretiers d’une région, soit patoisants, soit de langue française.

On a rapporté aussi qu’Ausone, Venance Fortunat, Grégoire de Tours, savaient la signification de mots celtiques, tels que Divona, Vernemetis, Ulrajectum, Vasso Galatæ. C’est vrai, mais d’abord ces mots sont des noms considérables de choses ou d’êtres célèbres, et seraient-ils même des mots ordinaires, que le souvenir a pu s’en conserver très longtemps, après la disparition de la langue à laquelle ils appartenaient. J’ai connu des vieillards qui avaient retenu jusqu’en 1885, des mots entendus de la bouche des cavaliers hongrois en 1815 et qui ignoraient totalement le magyar. Le dialecte cornique est éteint depuis un siècle, et aujourd’hui encore on répète dans le pays : Cela se disait ainsi en cornique ; il se conserve dans la mémoire des populations un embryon de vocabulaire[1].

À première vue il paraît plus étonnant que dans une Pharmacopée, faite pour être répandue, Marcellus, de Bordeaux, tra-


    ment du latin ? Il y a plus : la phrase implique que tous n’avaient pas suivi le mouvement où on les entraînait. Sinon de quoi eussent servi ces interprètes, à des gens qui eussent parlé une langue unique ? Le verbe imponere, s’il doit être pris dans tout son sens d’imposer, est amené par jugum.

  1. Voir Revue celtique, III, 239.