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Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 1, 1896.djvu/93

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LIX
ORIGINES DE LA LANGUE FRANÇAISE

mêmes, sinon toutes faites, du moins séparées pour toujours et orientées vers une direction définitive et qui, sur certains points, leur sera propre, aussitôt qu’elles nous apparaîtront dans les textes. La période principale de cette élaboration est sans doute — mais c’est là une hypothèse — celle qui va du vie au xe siècle.

Influence du celtique. — Le facteur principal, dans ce travail mystérieux de différenciation, à quelque époque qu’il ait commencé, fut sans aucun doute cette influence des milieux qui modifie les langues suivant l’organisation et les habitudes psychologiques ou physiologiques des populations qui les parlent. Donc, si on considère les choses avec cette généralité, ce sont les influences indigènes qui ont donné aux parlers de la Gaule leurs caractères spécifiques.

Mais depuis longtemps les linguistes ont été tentés de rechercher d’une manière plus précise ce qui, dans cette action, pouvait se rattacher aux souvenirs celtiques, autrement dit si la langue celtique qu’on abandonnait, n’avait pas laissé dans les cerveaux et les organes vocaux des instincts, dont on retrouverait l’effet dans l’empreinte même que le latin reçut en Gaule. Sur le principe, pour les raisons que nous avons déjà données plus haut, il est difficile d’être en désaccord, c’est sur l’importance à attribuer à cette action directe ou indirecte du celtique que les opinions diffèrent. L’école actuelle s’efforce de la réduire autant que possible, et des faits jusqu’ici à peu près unanimement rapportés à cette origine, sont aujourd’hui expliqués par le seul développement du latin.

En voici un exemple. On sait que u latin, qui se prononçait ou à Rome à l’époque latine, se prononce en français ü, ex. : murum (mourum), le mur. Comparez purum = pur ; virtutem = vertu, consuetudinem = coutume, etc.). Comme ce phénomène apparaît presque exclusivement dans des pays où des Celtes étaient établis : France, Haute-Italie, Rhétie, que ce développement vocalique est très ancien et prélittéraire, qu’il présente une analogie frappante avec le développement de u en kymrique, on avait attribué cette mutation à une disposition des bouches celtiques.

Aujourd’hui cette conclusion est discutée, quelquefois même