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LA RENAISSANCE

sortira son effect tel que je souheterois, sinon (qu’il advienne quelque désastre généralement à la France, et à moy particulièrement, et à ceux qui avec moy ont embrassé cette affaire[1]. » Le désastre en effet, « advint » : la défaite, la prison du roi. La grande fondation n’eut jamais lieu. On nomma seulement quelques professeurs royaux, dont le premier choisi fut, selon Pasquier, Pierre Danès « «ès lettres grecques », vers 1529 ou 1530[2].

À défaut de faveurs solides, François Ier prodigua du moins aux humanistes les encouragements et les bonnes paroles qui méritent déjà qu’on les loue, lorsqu’elles sont un témoignage éloquent du sincère amour que le Roi et ses conseillers portaient aux « bonnes lettres » et de la part prépondérante que leur clairvoyance, encore plus que leur science réelle, attribuait à l’hellénisme en particulier dans le mouvement de la renaissance. À ce titre, le privilège[3] accordé par François Ier, en 1539 à Conrad Néobar, premier imprimeur royal pour les impressions grecques, renferme des choses très dignes de remarque : « Nous voulons, dit le roi, qu’il soit notoire à tous et à chacun que notre désir le plus cher est, et a toujours été d’accorder aux bonnes lettres notre appui et bienveillance spéciale et de faire tous nos efforts pour procurer de solides études à la jeunesse. Nous sommes persuadé que ces bonnes études produiront dans notre royaume des théologiens qui enseigneront les saines doctrines de la religion ; des magistrats qui exerceront la justice : non avec passion, mais dans un sentiment d’équité publique enfin des administrateurs habiles, le lustre de l’Etat, qui sauront sacrifier leur intérêt privé à l’amour du bien public. Tels sont en effet les avantages que l’on est en droit d’attendre des bonnes études presque seules. C’est pourquoi nous avons, il n’y a pas longtemps, libéralement assigné des traitements à des savants distingués, pour enseigner à la jeunesse les langues et les sciences, et la former à la pratique non moins précieuse des bonnes mœurs. » Mais le roi n’avait rien fait jusque-là pour

  1. Je cite les lettres de Budé dans la traduction qu’en donne Estienne Pasquier [Recherches, col. 926).
  2. Voir Abel Lefranc Les origines du Collège de France. Revue internationale de l’Enseignement, 15 mai 1890. 15 octobre 1891.
  3. En latin. Traduit par E. Egger dans l’Hellénisme en France.