Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 2.djvu/208

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drist de ce que je laissois mes deux enfans, et mon bel chastel de Jonville, que j’avoys fort au cueur ; mais subit tiré oultre avecques le conte de Salebruche mon compaignon, et nos gens et chevaliers ; et alasmes disner à la Fontaine-l’Arcevesque devant Dongeux. Et illec l’abbé de Saint Urban, à qui Dieu face pardon, me donna à moi et à mes chevaliers de beaux joyaulx. Et puis prismes congié de lui, et nous en alasmes droit à Ausonne ; et nous mismes, nous et nos harnois, en bateaux en la Saonne jusques à Lyon, et nos chevaulx et destriers[1] amenoit-on en main par dessus la riviere. Et quant nous fusmes à Lion, nous entrasmes en ce point en la riviere du Rosne pour aller en Arles-le-Blanc. Et ay bien souvenance que dessus le Rosne, à la rive, nous trouvasmes ung chasteau qu’on appelloit la Roche-gluy, lequel chasteau le Roy avoit fait abatre, pour ce que le sire du chasteau, que on appelloit Rogier, avoit grand bruit de mauvais renom, de destrousser et piller tous les marchands et pellerins qui là passoient.

Nous entrasmes ou mois d’aoust celui an en la nef à la roche de Masseille, et fut ouverte la porte de la nef pour faire entrer nos chevaulx, ceulx que devions mener oultre mer. Et quant tous furent entrez, la porte fut reclouse et estouppée, ainsi comme l’on vouldroit faire un tonnel de vin, pour ce que quant la nef est en la grant mer, toute la porte est en eauë. Et tantost le maistre de la nau[2] s’escria à ses gens qui estoient ou bec[3] de la nef : « Est vostre besongne

  1. Destriers : chevaux de bataille.
  2. Le maistre de la nau : le pilote du vaisseau.
  3. Ou bec : à la proue, partie de l’avant du vaisseau.