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histoire

qu’on lui avoit donné à mengier de son pain et de son sel. Et ilz me firent respondre que ce nestoient mie hommes d’aucune valuë, et qu’ilz ne povoient plus faire aucune œuvre, puis qu’ilz estoient ainsi malades. Et après ces choses, ilz me firent venir devant moy tous mes mariniers, et me disoient qu’ilz estoient tous régniez[1]. Et je leur dis qu’ilz n’y eussent jà fiance, et que c’estoit seulement de paeurs qu’on les tuast : et qu’aussi toust qu’ilz seroient trouvez en lieu et en païs, incontinant ilz se retourneroient à la foy. Et ad ce me respondit l’admiral qu’il m’en croioit bien : et que Saladin disoit, que jamés on ne vit d’un Chrestien bon Sarrazin, n’aussi d’un bon Sarrazin Chrestien. Et tantoust l’admiral me fist monter sur ung pallefroy, et chevauchions l’un joignans l’autre. Et me mena passer à ung pont, jusques au lieu où estoit saint Loys, et ses gens prinsonniers. Et à l’entrée d’un grant pavillon trouvasmes l’escrivain qui escrivoit les noms des prinsonniers de par le Souldan. Et là me faillut nommer mon nom, que ne leur voulu celer : et fut escript comme les autres. Et à l’entrée dudit pavillon, celui Sarrazin qui tousjours m’avoit suyvi et acompaigné, et qui m’avoit sauvé en la gallée, me dist : « Sire, je ne vous puis plus suivre, et me pardonnez. Et vous recommande ce jeune enfant que avez avecques vous, et vous pry que le tenez tousjours par le poing, ou autrement je sçay que les Sarrazins le tueront.» L’enfant avoit nom Berthelemy de Montfaucon, filz du seigneur de Montfaucon de Bar. Tantoust que mon nom fut escript, l’admiral

  1. Qu’ilz estoient tous régniez : qu’ils avoient tous renié leur foi.