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de saint loys.

nous mena le jeune filz et moy dedans le pavillon, où estoient les barons de France, et plus de dix mil autres personnes avecques eulx. Et quant je fu dedans entré, tous commencèrent à mener si grant joie de me veoir, qu’on ne povoit rien ouïr, pour le bruit de joie qu’ilz en faisoient ; car ilz me cuidoient avoir perdu.

Et ainsi que nous estions ensemble esperans l’aide dé Dieu, nous ne demourasmes gueres, que ung grant richomme Sarrazin nous mena tous plus avant en ung autre pavillon, et faisions chiere piteuse. Moult d’autres chevaliers et d’autres de nos gens estoient aussi prisonniers, encloux en une grant court, qui estoit douze de murailles de terre. Et ceulx-là faisoient tirer hors les prisonniers l’un après l’autre, et leur demandoient, si se vouloient regnoier[1]. Et ceulx qui disoient oy, et qui se regnoient, estoient mis à part : et ceulx-là qui ne le vouloient faire, tout incontinant on leur couppoit la teste.

Tantoust après nous envoia le Souldan son conseil parler à nous, et demanda le conseil, auquel de nous il diroit le message du Souldan. Et tous nous accordasmes que ce fust au conte Pierre de Bretaigne, par ung trucheman que avoient les Sarrazins, qui parloit l’un et l’autre des langaiges françois et sarrazins. Et furent telles les paroles : « Seigneurs, le Souldan nous envoie par devers vous savoir si vous vouldriez point estre delivrez, et que vous lui vouldriez donner ou faire pour vostre delivrance avoir. » Et à ceste demande respondit le conte Pierre de Bretaigne que moult voulentiers voul-

  1. Regnoier : apostasier.