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de saint loys.

Mais bien devez savoir que quant nous fusmes hors de la présence du Roy, chacun des seigneurs me commença à assaillir ; et me disoient par despit et envie : « Ha ! certes le Roy est foul s’il ne vous croit, Sire de Jonville, par dessus tout le conseil du royaume de France.» Et je me tais tout coy.

Tantoust les tables furent mises pour aller menger, le Roy qui tousjours avoit de coustume de me faire seoir à sa table, si ses freres n’y estoient : et aussi que en mengeant il me disoit tousjours quelque chose. Mais oncques mot ne me dist, ne ne tourna son vis vers moy. Alors me pensay qu’il estoit mal content de moy, pour ce que j’avois dit qu’il n’avoit encore despencé ses deniers, et qu’il en devoit despendre largement. Et ainsi qu’il eut rendu grâces à Dieu après son disner, je m’estois retiré à une fenestre qui estoit prés du chevet du lit du Roy, et tenois mes bras passez parmy la grisle de celle fenestre tout pensif. Et disois en mon courage que si le Roy s’en alloit à ceste foiz en France, que je m’en yroie vers le prince d’Antioche, qui estoit de mon parenté. Et ainsi comme j’estois en telle pensée, le Roy se vint apuyer sur mes espaulles par darrière, et me tenoit la teste o ses deux mains. Et je cuidois que ce fust monseigneur Phelippe de Nemours, qui m’avoit fait trop d’ennuy celle journée, pour le conseil que j’avois donné. Et je lui commençay à dire : « Lessez m’en paix, messire Phelippe, en malle adventure.» Et je tourné le visage, et le Roy m’y passe la main par dessus. Et tantoust je sceu bien que c’estoit la main du Roy, à une esmeraude qu’il avoit ou doy. Et tantoust je me voulu remuer, comme celuy qui avoit