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variantes

lui avois baillés en garde : et aussi-tost que j’eu dit la parolle, il s’effroia asprement, et me dist : « Sire de Joinville, je vous aime trop, mais si vous voulés maintenir tel langage, jamais je ne vous vouldrois plus aimer : car il sembleroit à vostre parler, et ainsi que maintenés, que nos religieus fussent larrons.» Et je lui respondi alors que je ne tairois pas la chose, et que c’estoit bien force que j’eusse mes deniers : car je n’avois pas un blanc pour vivre : et sans autre response me despartis ainsi de lui. Et vous asseure que je fus en grand’fascherie de mon argent quatre jours durant, et ne sçavois à quel saint faire vœu pour le recouvrer. Durant ces quatre jours ne fis autre chose qu’aller et revenir, pour trouver quelque moien pour le r’avoir. Au bout de quatre jours, le maistre du Temple vint devers moi en sousriant, et me dist qu’il avoit trouvé mes deniers, et de fait me les rendit : dont je fus bien aise, car j’en avois grant besoing. Ne donnai plus la peine à ces religieus de garder mon argent[1].

(P. 315.) Et me dit ainsi[2] que il n’entendoit mie comment li Roys eust pooir de demourer, et me proia moult acertes que je m’en vousisse venir en sa nef. Et je li respondi que je n’en avoie pooir ; car je n’avoie riens ainsi comme il le savoit, pour ce que j’avoie tout perdu en l’yaue là où j’avoie esté pris. Et ceste response ne li fis-je pas pour ce que je ne feusse moult volentiers alé avec li, mèz que pour une parole que

  1. Ce récit se trouve également dans l’édition de 1761.
  2. Et me dit ainsi. Il y a visiblement une lacune en cet endroit du manuscrit ; mais on voit assez par la suite qu’il s’agit ici de l’entretien de Joinville avec le légat sur la proposition que le Roi vient de faire.