Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 2.djvu/58

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
56
TABLEAU

s’étoit pas réunie sans le consentement du gouvernement, le Roi rendit une ordonnance par laquelle il déclara que les seigneurs ne seroient pas tenus de répondre aux tribunaux ecclésiastiques dans les matières profanes, et que les ecclésiastiques seroient obligés dans toute cause civile de répondre aux tribunaux du Roi et des seigneurs. Cette première tentative de Louis pour fixer irrévocablement les attributions de l’autorité ecclésiastique et de l’autorité civile, irrita le Pape, qui, par une lettre du 15 août 1236, s’efforça de déterminer le jeune prince à revenir sur cette mesure, et le menaça même de l’excommunier s’il refusoit d’obéir : le Roi se montra ferme dans une résolution qu’il croyoit juste, et parvint bientôt, par des explications franches, à calmer le courroux de Grégoire IX.

Cependant les Croisés qui devoient suivre le roi de Navarre à la Terre sainte, emportés par un faux zèle, maltraitèrent les Juifs, et en tuèrent même quelques-uns, sous prétexte qu’ils ne vouloient pas recevoir le baptême. Ce même Pape qui venoit de soutenir les prétentions injustes du clergé de France, déploya dans cette occasion une doctrine digne des siècles les plus éclairés : « Il ne faut, écrivit-il à Louis, contraindre personne à recevoir le baptême, parce que, comme l’homme est tombé par son libre arbitre, il doit aussi se relever par son libre arbitre, étant appelé par la grâce. » (Lettre du 9 septembre 1236.) Ces sentimens n’étoient pas alors, ainsi qu’on le croit communément, étrangers à la cour de Rome : nous la verrons encore, même au milieu des guerres les plus acharnées, prêcher la véritable tolérance.