Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 3.djvu/250

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Le cry général se prononçoit unanimement par tous les soldats en même temps, et avant que de venir aux mains avec les ennemis, ou plutôt dans l’instant de la mêlée, et lorsqu’on s’approchoit de prés : ce qui se faisoit, tant pour implorer l’assistance du dieu des armées par des cris et des termes d’invocation, que pour s’animer les uns les autres à combattre vaillamment, et à défendre l’honneur et la réputation du général. Ces cris se poussoient avec vigueur et avec alegresse, qui marquoient tout éloignement de frayeur et de crainte : d’où vient que Godefroy moine de Pantaleon de Cologne dit qu’à la mort d’un certain seigneur Alleman qui fut tué par les Turcs, Omnes clamorem belicum mutaverunt in vocem flentiutn[1]. Aussi Conrad, abbé d’Usperge prend ces cris pour des marques d’arrogance : Aquitani mox genitali tumentes fastu Symbola conclamant[2], etc. Aussi bien que Guibert quand il dit, Arrogans signorum varietas[3]. Tudebodus parlant du siège d’Antioche témoigne que ces cris se prononçoient gaiement. Cœperunt jocundâ voce clamare Deus hoc vult[4]. Dans Guillaume Guiart en l’an 1191 :

Lors fu Montjoie resbaudie.

Je pourrois confirmer cet usage des cris par un grand nombre d’autoritéz[5], n’étoit que je crains d’ennuier le lecteur par une déduction d’une chose commune, et qui se trouve à toutes rencontres dans les histoires du moyen temps. Je remarque seulement que cette coutume ne nous a pas esté particulière, et que les peuples les plus barbares l’ont pratiquée à même

  1. Godef. Mon. an. 1190.
  2. Abbas Usp. an. 1101.
  3. Guibert.
  4. Tudebod. l. 3, p. 793.
  5. Fulch. Car. l. 2, c. 10, 21 ; l. 3, c. 42, 46, 50. Froiss. 2. vol. c. 97 ; 3. vol. c. 32, etc.