Philippe de suivre l’armée anglaise par le même gué ;
il fut obligé de descendre jusqu’au pont d’Abbeville,
et perdit ainsi un temps irréparable. Furieux de
voir l’ennemi lui échapper, il étoit décidé à forcer
de marche pour le poursuivre. Édouard n’avoit que
peu d’avance, son armée étoit trois fois moins forte
que celle de Philippe ; il craignit d’être enveloppé
s’il s’engageoit dans les plaines de la Picardie ; il
choisit donc un terrain avantageux près du village de
Crécy, disposa ses troupes dans le meilleur ordre,
mit le temps à profit pour élever de bons retranchemens,
et attendit les Français, espérant, dit
Hume, que leur pétulance les précipiteroit dans
quelque démarche mal combinée.
Le samedi 25 août 1346, Philippe sortit d’Abbeville à la tête de ses troupes ; après avoir fait trois lieues, il envoya reconnoître la position des Anglais sans arrêter la marche des corps avancés. Le rapport de ses coureurs le décidèrent à suspendre l’attaque ; mais ses ordres ne furent écoutés que par une partie de l’armée, et l’on arriva dans le plus grand désordre en présence de l’ennemi. Alors le Roi lui-même, emporté par son ressentiment, fit commencer l’action. Quinze mille arbalétriers génois, qui formoient l’avant-garde, refusèrent d’abord de combattre, disant qu’ils étoient excédés par la fatigue de la marche ; le comte d’Alençon, frère du Roi, menace de leur passer sur le corps avec ses hommes d’armes ; ils attaquent mollement, sont repoussés par les archers anglais, puis foulés aux pieds par notre cavalerie, qui se rompt pour punir leur lâcheté, au lieu de tourner ses armes contre l’ennemi. Le fils du roi d’Angleterre, le jeune