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précis des guerres


qu’un vainqueur généreux doit à la valeur malheureuse ; et ses officiers en agirent de même avec les prisonniers que le sort des armes avoit mis entre leurs mains. La foiblesse de son armée ne lui permettoit pas de profiter de cette victoire inespérée, plus étonnante encore que celle de Crécy, et obtenue, comme elle, au moment où les Anglais, imprudemment engagés en pays ennemi, ne pouvoient plus être sauvés que par l’imprudence des Français. Il prit la route de Bordeaux dès le lendemain de la bataille, et quelque temps après signa une trêve de deux ans.

On auroit peine à décrire la consternation de Paris lorsqu’on y apporta la nouvelle de la défaite de Poitiers. Le royaume envahi de toutes parts, désolé en même temps par la guerre civile et par la guerre étrangère, n’avoit plus ni armée, ni souverain pour le défendre. Si l’expérience, l’activité et le courage du roi Jean n’avoient pu sauver l’État, quelle espérance y avoit-il à fonder sur le dauphin Charles, duc de Normandie, âgé de dix-huit ans, dont la conduite avec le roi de Navarre et à la journée de Poitiers, ne sembloit annoncer qu’un caractère foible et pusillanime.

Le duc de Normandie arriva dans la capitale dix jours après la déroute, et convoqua sur-le-champ les États-généraux, qui s’assemblèrent le 17 octobre. Comme héritier présomptif de la Couronne, il fut sans difficulté reconnu lieutenant-général du royaume, titre que son père lui avoit conféré dès le mois de juin précédent. Il ne prit pas le titre de régent, parce qu’il ne pouvoit être déclaré majeur qu’à