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SUR DU GUESCLIN.

quand il luy parleroit, s’il vouloit retourner en vie dans le camp des Anglois. Le cavalier se le tint pour dit ; il approcha de Bertrand avec beaucoup de crainte et de respect, qui, fronçant le sourcil, luy demanda ce qu’il avoit à dire : le heraut, tout tremblant, le cajola de son mieux, luy marquant que le duc de Lancastre, son maître, admirant sa bravoure et sa valeur, et la grande action qu’il venoit de faire pour le service de Charles de Blois et les bourgeois de Rennes, avoit une merveilleuse envie de le voir, et qu’il luy feroit un plaisir extrême s’il vouloit bien se rendre à son camp, pour contenter non seulement sa curiosité, mais aussi celle de toute son armée, qui brûloit du désir de regarder en face un si courageux capitaine, quoy que leur ennemy ; qu’il ne devoit point hesiter à prendre ce party, puis qu’il y pouvoit venir sûrement à la faveur d’un passeport bien conditionné, que le Duc luy avoit commandé de luy mettre en main, pour le guérir de tout le soupçon qu’il pourvoit avoir, qu’il eût envie de luy tendre un piège pour s’assurer de sa personne.

Bertrand qui ne savoit pas lire (parce qu’il avoit toujours eu tant d’indocilité pour ses maîtres, qu’au lieu d’écouter leurs instructions, il les vouloit battre et maltraiter), mit le passeport entre les mains d’un de ses compagnons pour en apprendre la teneur, et quand il en eut entendu la lecture, il ne se contenta pas de dire au héraut qu’il s’alloit préparer pour aller avec luy jusqu’au camp du duc ; mais il voulut, avant que de se mettre en chemin, le régaler dans son appartement et le gracieuser d’une belle veste et d’une bourse de cent florins qu’il luy donna fort généreusement, dont le cavalier, qui ne s’altendoit pas à cette honnê-