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ANCIENS MÉMOIRES

teté, fut si satisfait qu’il la prôna dans toute l’armée des Anglois. Guesclin partit donc avec luy dans un quipage fort leste, monté sur un fort beau cheval et dans une contenance intrepide. L’empressement qu’on avoit de le voir, fit que tous les soldats s’amassèrent en foule pour le regarder à l’envy, tant la reputation fait d’impression sur l’esprit des gens. On l’étudia depuis la tête jusqu’aux pieds ; on s’étonna de le voir si gros et si noir, on observa même jusqu’à la grosseur de ses poings, et l’on s’en faisoit une idée d’un fort redoutable ennemy. Bertrand passa fierement au travers de tous ces spectateurs, et mit pied à terre auprès de la tente du Duc, devant lequel il fléchit fort respectueusement un genou.

Ce prince ne le voulant pas souffrir dans cette posture, le releva, le prenant par la main, disant qu’il luy sçavoit bon gré de ce qu’il avoit bien voulu faire ce pas et cette demarche en sa considération. Bertrand l’assura qu’il auroit toujours le dernier respect pour sa personne ; mais qu’il ne devoit pas trouver mauvais s’il ne faisoit avec luy ny paix ny trêve, jusqu’à ce qu’il eût mis les armes bas par un accommodement avec son seigneur. Le Duc luy demanda le nom de celuy qu’il reconnoissoit pour son seigneur : « C’est, lui répondit-il, Charles de Blois, à qui la Bretagne appartient du côté de la Duchesse, sa femme. Il est bien éloigné de son compte, luy repartit le Duc : il faut qu’il fasse perir plus de cent mille hommes, avant qu’il puisse parvenir à son but. Seigneur, luy dit Bertrand, s’il en doit coûter la vie à tant de gens, ceux qui leur survivront auront au moins la consolation de succéder à leurs heritages. » Le Duc admi-