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SUR DU GUESCLIN.

representa que la conservation de sa personne étoit si nécessaire à l’État, que la France couroit risque de perir avec luy, s’il venoit à perdre la vie dans cette occasion. Ce prince étoit appuyé sur une fenêtre, observant tout ce qui se passoit pour et contre, plaignant le malheureux sort des lys, que tant d’ennemis tâchoient de flétrir, se souvenant de la triste condition du roy Jean, son père, que les Anglois retenoient prisonnier à Londres, et du pitoyable état de la France, qui se voyoit ravagée par tant d’étrangers, qui venoient porter le fer et le feu jusqu’aux portes de Paris. Il rappelloit dans sa mémoire ces temps heureux où cette belle Couronne florissoit sous le règne de Charlemagne, avec tant de lustre que toute l’Europe recevoit la loy de la France.

Tandis que ce desolé prince faisoit cette triste reflexion sur l’état présent des affaires, le Besque de Vilaines, un des plus braves de son armée, luy répondit qu’il ne devoit point tomber dans le découragement ny se laisser abattre de la sorte ; que Charlemagne, dont il envioit le bonheur, n’avoit pas eu moins d’ennemis que luy, qu’il en avoit triomphé par son courage et sa patience, et que Dieu, dans lequel il avoit eu une confiance entière, avoit répandu sa bénédiction sur ses armes ; qu’il falloit donc espérer que sa cause, n’étant pas moins juste, elle auroit un même succès. Ce discours enfla si fort le cœur du Dauphin, qu’il commanda tout aussitôt qu’on revînt à la charge. Les François firent de nouveaux efforts, mais ils étoient toûjours repoussez par les assiegez, qui les renversoient les uns sur les autres, en faisant tomber leurs échelles à force de machines et d’instrumens pour cet effet.