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ANCIENS MÉMOIRES

Mante n’étant pas si difficile, il falloit tenter la conquête de celle-cy pour venir ensuite à bout de la première. Guillaume de Launoy, capitaine fort estimé dans les troupes de France, ouvrit cet avis le premier dans le conseil de guerre ; il ne fut pas d’abord suivy dans son sentiment. On luy fit entendre qu’il falloit débuter par la prise de Rouleboise et qu’en suite on songeroit à Mante, et que ce seroit decrediter les armes du Dauphin, que de se présenter devant une place, et de l’abandonner aprés pour entreprendre le siege d’une autre. De Launoy leur persuada que sans quiter le dessein qu’ils avoient sur Rouleboise, ils pouvoient tourner leurs pensées sur Mante, qu’il se faisoit fort de prendre en trois jours, si l’on vouloit exactement suivre et pratiquer ce qu’il avoit médité là dessus. Tout le monde entra dans son sentiment, et l’on se reposa sur luy de toute la conduite de cette entreprise.

De Launoy se servit d’un stratagême fort ingénieux pour exécuter le dessein qu’il avoit dans l’esprit. Il choisit vingt de ses soldats, qu’il fit habiller en vignerons, et les déguisa si bien, qu’ils avoient tout à fait l’air de gens de ce métier. Il leur donna de bonnes armes, qu’ils cacherent sous leurs vestes de toile, et les instruisit fort exactement de tout ce qu’ils devoient faire. Il avoit fait loger auparavant trente soldats qui çà, qui là, dans les cabarets de Mante, qui, pour devenir moins suspects, demeuroient separez et faisoient semblant de ne se point connoître ; ils avoient grand soin de témoigner leur zele pour le roy de Navarre, et leur aversion pour le Dauphin, duc de Normandie, publians dans toutes les tavernes, que si ce prince