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ANCIENS MÉMOIRES

pouroit point engager le gouverneur à la luy rendre, en l’intimidant. Il le fit donc appeller, pretextant qu’il avoit quelque chose d’important à luy communiquer. Le gouverneur parut aux créneaux de la tour, pour apprendre de luy tout ce qu’il avoit à luy dire. Bertrand le somma de la part de Charles, dauphin de France, régent du royaume et duc de Normandie, de luy rendre incessamment la place, et que s’il refusoit d’obeïr, il luy en coûteroit la tête, jurant qu’il ne sortiroit point de là ; ny luy, ny ses gens, qu’il n’en fût le maître de gré ou de force.

Le gouverneur ne témoigna point d’être ébranlé de ces menaces, et se mettant à plaisanter, il luy demanda s’il avoit appris à voler, et si le ciel luy avoit donné des aîles pour monter si haut, Bertrand se retirant tout en colere, luy dit qu’il le feroit bientôt repentir de sa prétenduë raillerie. L’attaque fut aussitôt commencée : mais comme elle faisoit plus de bruit que d’effet, on ne l’employa seulement que pour empêcher les assiégez de découvrir au pied de la tour le travail des mineurs, qui pousserent leur ouvrage avec tant de secret et de diligence, qu’ils s’avancerent jusques sous le fondement des murailles, qu’ils étançonnerent ensuite de leur mieux. Quand l’ouvrage fut achevé, les mineurs en donnèrent incessamment avis à Bertrand, luy disans que quand il lui plairoit, il auroit la satisfaction de voir crouler cette tour par terre. Guesclin leur commanda de la faire sauter, ajoutant que puisque les ennemis avoient refusé de se rendre, ils ne devoient pas trouver mauvais s’il en venoit contre eux aux dernières extremitez. Les mineurs mirent aussitôt le feu au bois et aux poutres