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SUR DU GUESCLIN.

Il arriva pour lors une avanture qui pensa tout gâter, et qui nous apprend qu’il ne faut jamais insulter les vaincus ; car comme les assiegez se retiroient fort paisiblement, les François voyans qu’on leur apportoit les clefs avec tant de soûmission, firent de si grandes huées sur les Anglois, de ce qu’ils s’étoient sitôt rendus, que huit chevaliers de ce party là, tout couverts de honte et tout confus du reproche qu’on leur faisoit, rentrerent dans la tour avec le plus de gens qu’ils purent ramasser de la garnison, se baricaderent dedans et résolurent de s’y bien defendre, ayant encore suffisamment des vivres pour tenir longtemps. Cette nouvelle obligea Bertrand de remonter aussitôt à cheval et de courir aux barrieres pour leur commander d’ouvrir leurs portes sans delay ; mais ils vinrent aux creneaux luy dire qu’aprés l’insulte qu’on leur avoit faite et les railleries dont on les avoit baffoüez en sortant, ils étoient résolus, pour se garantir de l’opprobre et de l’ignominie qu’on leur avoit reproché, de se defendre jusqu’à la mort, et qu’ils combattroient avec tant de courage, qu’ils feroient ensorte qu’il ne mettroit jamais le pied dans la tour. Certes, Gars, vous mentirez, répondit Guesclin, car j’y souperay en cette nuit et vous jeunerez dehors.

Il n’eut pas plûtôt achevé ces paroles qu’il fit sonner la charge. Les arbalêtriers tirerent sans cesse, tandis que les autres soldats appuyoient les échelles contre les murs pour monter. On essaya d’ailleurs d’entamer la muraille à grands coups de marteaux de fer, de pics et de boyaux, et l’on fit de si grands efforts là dessus qu’on ouvrit une brêche dans le mur, qui fa-