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ANCIENS MÉMOIRES

nité. Beaucoup d’Allemands, d’Anglois, de Navarois et de Flamands infestoient toute la campagne, brûloient les châteaux après les avoir saccagez, et mettoient à rançon toute la noblesse. Les édits du prince étoient meprisez. La force et la violence faisoit la souveraine loy de l’État, si bien qu’il sembloit que la France étoit devenue la proye de ces enragez.

Le roy Charles voulant arréter le cours de tant de maux, assembla les plus sages têtes de l’État pour aviser ensemble aux moyens d’apporter un prompt remède à tant de malheurs, sans en venir à une guerre ouverte contre tous ces brigands. Bertrand le tira de peine en luy suggerant le specieux prétexte de venger en Espagne la cruelle mort de la reine Blanche, sa belle sœur, et l’assurant que s’il pouvoit s’aboucher une fois avec cette troupe de vagabonds, il les cajeleroit si bien, qu’il les feroit entrer dans ses sentimens, et leur inspireroit le desir de tourner leurs armes contre le roy Pierre, dans l’esperance de s’enrichir des dépouilles de toute l’Espagne, qui leur seroit ouverte par la guerre qu’on declareroit à ce prince. Il s’offrit même de se mettre à leur tête et de les commander, pour faire reüssir une si juste expédition, représentant au Roy que par cet artifice il purgeroit la France de tous ces étrangers, et les employeroit utilement ailleurs contre les ennemis de la couronne. Charles donna les mains aussitôt à la judicieuse proposition de Bertrand, et dépêcha sur l’heure un heraut auprés des chefs et des généraux de tous ces gens ramassez pour en obtenir un saufconduit, afin qu’il pût ensuite leur envoyer quelqu’un qui pût s’aboucher avec eux en toute liberté.