Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 4.djvu/346

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
341
SUR DU GUESCLIN.

y eut un Normand qui fut assez brave pour planter le premier l’étendard de Bertrand sur le mur, et crier aux autres que la ville étoit prise, et qu’ils montassent hardiment. Il se vit bientôt suivy d’une foule de determinez qui s’accrocherent aux échelles et le joignirent en grand nombre. De là se repandans en foule dans la ville, ils s’allerent saisir des portes et les ouvrirent à leurs compagnons, qui, se jettans à corps perdu dedans, firent crier misericorde à tous les bourgeois, qui se mettans à genoux avec leurs femmes et leurs enfans demanderent quartier, declarans qu’ils se rendoient au prince Henry, qu’ils vouloient reconnoître à l’avenir pour leur maître et leur souverain.

Ce prince, qui vouloit se faire un merite de sa clemence pour attirer les autres dans son party, se laissa fléchir à leurs prières, et leur promit que non seulement ils auroient la vie sauve, mais aussi la jouissance de leurs biens, ausquels il defendit de toucher. Il ne voulut avoir cette indulgence que pour les chrétiens ; mais pour les juifs et les sarazins, qu’il sçavoit entierement devoüez à Pierre, il ne leur fit aucun quartier. Il ne s’agissoit plus, après cette conquête, que de recompenser Bertrand de tous les importans services qu’il luy avoit rendus, et pour luy témoigner sa reconnoissance il luy donna la comté de Molina, qui se trouvoit enclavée dans les dépendances de cette ville. Après que la compagnie blanche eut fait quelque sejour dans ce pays pour se reposer et se delasser de toutes les fatigues que ces deux sieges luy firent essuyer, et qu’on eut fait panser les blessez, ces troupes victorieuses s’allerent jetter sur Bervesque, place