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ANCIENS MÉMOIRES

part, et qu’il s’en souviendroit toute sa vie. Dans le temps qu’il s’entretenoit avec eux, il reconnut un chevalier qu’il avoit veu plusieurs fois avec Bertrand, et le tirant à l’écart il luy demanda des nouvelles de cet illustre prisonnier, et s’il travailloit à payer sa rançon. Cet homme luy répondit que le Besque de Vilaines et le maréchal d’Andreghem se tireroient aisement d’affaire : mais que pour Bertrand, le bruit couroit que le prince de Galles avoit fait serment de ne le jamais relâcher ny pour or, ny pour argent, parce qu’il apprehendoit qu’aussitôt qu’il seroit en liberté il ne renouvellât la guerre avec plus de chaleur que jamais. Henry voulut pressentir ce chevalier pour sçavoir si par son canal il ne pouroit point s’aboucher avec Bertrand. Le chevalier luy demanda s’il étoit Breton, puisqu’il avoit tant d’envie de parler à Guesclin.

Henry l’entretenant toûjours, fit si bien qu’il le mena jusqu’à son hôtellerie. Ce fut là qu’il s’ouvrit à luy tout à fait, luy disant qu’il le connoissoit pour l’avoir veu souvent avec Bertrand, qu’il le prioit de luy garder le secret sur tout ce qu’il avoit à luy reveler, et qu’il étoit le malheureux Henry, roy d’Espagne, qui s’étoit déguisé de la sorte pour pouvoir, avec plus de facilité, deterrer où étoit Bertrand, et s’entretenir avec luy sur l’assiette de leurs affaires. Ce chevalier ravy de ce qu’un si grand prince luy commettoit ainsi sa personne et sa vie, le pria de venir avec ses gens dans son auberge, afin qu’ils pussent avec plus de loisir et de liberté conferer ensemble. Aussitôt qu’ils furent tous entrez, l’écuyer dit à son hôtesse qu’elle fit tirer tout du meilleur vin,