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SUR DU GUESCLIN.

cy avoit à la cour de ce prince, qu’il s’avisa de le faire venir devant luy, prévenu fort avantageusement en sa faveur. Il luy demanda, quand il parut en sa presence, s’il étoit ce redoutable Besque qui s’étoit tant de fois signalé dans les guerres qui l’avoient mis aux mains avec les Anglois, ausquels il avoit si souvent fait sentir la force de son bras, jusques là qu’il avoit été contraint bien des fois de le souhaiter bien loin d’eux. Le Besque, qui n’étoit pas moins bon courtisan que brave soldat, au lieu de s’entêter de cette loüange, s’humilia davantage devant ce prince en luy repondant qu’il n’étoit qu’un fort petit chevalier, qui n’étoit point capable de faire de la peine à un souverain comme luy, qui, par sa valeur, sçavoit ôter et donner les couronnes à qui bon luy sembloit ; que pour ce qui le regardoit en personne, il se piquoit moins de bravoure que de la fidelité qu’il devoit au roy de France, son seigneur, et que si le ciel l’avoit fait naître son sujet, il auroit sacrifié sa vie pour luy, comme il avoit fait pour son maître. Un discours si soûmis et si engageant échauffa beaucoup la generosité du prince de Galles, qui, pour luy donner obligeamment le change, luy dit en presence d’Hugues de Caurelay, de Jean de Chandos et des deux seigneurs de Clisson, que si Philippe de Valois et Jean, son fils, eussent ou trois cens chevaliers de la trempe et du caractere du Besque, le roy Édoüard, son pere, ne se seroit pas avisé de passer la mer pour faire des conquêtes en France, mais il auroit pris le pari y de s’accommoder avec eux, plûtôt que de tout risquer en faisant la guerre à des princes servis par de si fameux generaux.