Normandie. Le jeune Arthur, que Philippe avoit
armé chevalier, brûloit de se distinguer, espérant que
les circonstances pourroient l’aider à monter sur le
trône d’Angleterre. Mais presque dès l’ouverture de
la campagne, il fut livré par trahison au roi Jean,
qui le fit assassiner, qui le poignarda même, dit-on,
de sa propre main. Aussitôt, Constance, sa mère,
présente requête au roi de France ; Jean est ajourné
à comparoître à la cour des pairs du royaume, et la
citation lui est signifiée à Londres, dans son propre
palais. Il fait demander un sauf-conduit ; Qu’il vienne,
répond Philippe, il le peut. Y aura-t-il sûreté pour le retour, reprend l’ambassadeur : Oui, réplique le Roi,
si le jugement des pairs le permet. Jean n’osa se rendre
à Paris. L’orgueil des pairs de France étoit flatté d’avoir
à juger un roi d’Angleterre ; Philippe vouloit prouver par un
grand exemple qu’aucune dignité ne pouvoit affranchir
ses vassaux du droit qu’il avoit sur
leur personne. Les efforts du prince anglais furent donc
inutiles pour entraver la marche du procès. La cour
des pairs le condamna à mort comme parricide et
félon, et confisqua, au profit de son seigneur suzerain,
tous les fiefs qu’il possédoit en France.
Les circonstances étoient favorables pour que Philippe mît à exécution la partie de l’arrêt qui l’intéressoit le plus. Le comte de Blois et le comte de Flandre étoient en Palestine ; il avoit sous sa tutèle le jeune comte de Champagne ; les Bretons brûloient de venger la mort de leur jeune duc, et les habitans du Maine, du Poitou et de la Tourraine, étoient peu disposés à prendre les intérêts d’un prince aussi méprisable que le roi Jean.