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ANCIENS MÉMOIRES

pour les intimider. Cette genereuse remontrance ne leur inspira point le courage et la resolution de se bien defendre, mais les rendit encore plus timides. Cressonval faisant reflexion sur ce qu’avoit dit le chevalier anglois, et craignant que tout le reproche de cette defection ne tombât sur luy seul, ouvrit les yeux sur le pas qu’il avoit médité de faire, et jura qu’il feroit bien voir, par la conduite qu’il alloit tenir, qu’il n’étoit point capable de la trahison dont on avoit pretendu l’accuser. Il commanda donc à chacun de se preparer à sortir, et d’emporter ses meubles, son argent et tout ce qu’il avoit de plus precieux, parce qu’aussitôt qu’ils auroient gagné la porte, il avoit envie de mettre le feu dans la place et de la réduire en cendres, afin que Bertrand n’en eût que les ruines, et que par là tout le monde fut éloigné de croire qu’il eût été là dessus corrompu par argent. Il leur marqua que, quand ils seroient hors des portes, ils eussent à se retirer dans Bressière où dans Moncontour.

Cet ordre fut ponctuellement exécuté de la même maniere qu’il l’avoit projetté. Les bourgeois et les soldats chargèrent leurs épaules de tout ce qu’ils purent emporter, et quand ils eurent gagné la prairie, Cressonval fit aussitôt mettre le feu par tout par ses gens, sans pardonner même aux églises, dont la flamme et la fumée se voyoient de fort loin ; le vent même qui souffloit alors en porta les étincelles à plus de deux lieües de là. Ce spectacle étoit fort pitoyable. La nouvelle en vint bientôt à Bertrand, qui fut averty par un courier qu’on appelloit Hasequin, que les Anglois venoient de sortir de Saint Maur, après y